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Jean-Frédéric Gabiou est avant tout un personnage énigmatique: une de ses entreprises les plus importantes a été celle de cofonder et codiriger la “Caisse des Rentiers”,  propriétaire pour une décennie de la plupart de l’Enclos. Le caractère énigmatique de cet ancien notaire est le même de la Caisse dont il est fondateur., le même de toute spéculation à l’époque de la Révolution. Une époque où faire tourner l’économie peut être considérée une action patriotique, et où indéniablement il y a des personnes que, pour capacité et encore plus pour ancrage en certains réseaux, arrivent à trouver leur place là où faire tourner l’économie est particulièrement rentable. Jean-Frédéric Gabiou représente parfaitement ces hommes qui animent les tentatives de faire entrer la France dans le monde de celle qu'aujourd'hui, nous appellerions une économie libérale. Et la “Caisse des Rentiers”, propriétaire de l’Enclos de Saint-Jean de Latran, est une de ces sociétés qui fleurissent pendant la Révolution dans un activisme financier qui mènera à la naissance des nouveaux sujets de la grande finance française.
Jean-Frédéric Gabiou est avant tout un personnage énigmatique: une de ses entreprises les plus importantes a été celle de cofonder et codiriger la “Caisse des Rentiers”,  propriétaire pour une décennie de la plupart de l’Enclos. Le caractère énigmatique de cet ancien notaire est le même de la Caisse dont il est fondateur., le même de toute spéculation à l’époque de la Révolution. Une époque où faire tourner l’économie peut être considérée une action patriotique, et où indéniablement il y a des personnes que, pour capacité et encore plus pour ancrage en certains réseaux, arrivent à trouver leur place là où faire tourner l’économie est particulièrement rentable. Jean-Frédéric Gabiou représente parfaitement ces hommes qui animent les tentatives de faire entrer la France dans le monde de celle qu'aujourd'hui, nous appellerions une économie libérale. Et la “Caisse des Rentiers”, propriétaire de l’Enclos de Saint-Jean de Latran, est une de ces sociétés qui fleurissent pendant la Révolution dans un activisme financier qui mènera à la naissance des nouveaux sujets de la grande finance française.


==:'''Une trajectoire de mobilité entre Ancien Régime et Premier Empire'''==
=='''Une trajectoire de mobilité entre Ancien Régime et Premier Empire'''==
Jean-Frédéric Gabiou naît en 1761 dans une famille appartenant à la petite bourgeoisie marchande et que l’on pourrait définir d’aisée, au vu de la nature des liens qu’elle montre d’entretenir avec le milieu des corporations parisiennes mais aussi avec celui de l’administration royale. A partir de l’acte de tutelle enregistré en janvier 1772 suite à la mort de sa mère Marie Elisabeth, nous apprenons en effet que Louis, le père, faisait partie de la riche corporation des maîtres perruquiers.<ref>Archives Nationales, série Y, Châtelet de Paris et du prévôté d'Île-de-France : AN Y//4960/A</ref> Une position qui apparaît comme bien établie et centrale car, parmi les signataires de l’acte on remarque la présence de deux autres maîtres perruquiers (dont Charles Lemoine, frère de la défunte), deux maîtres rôtisseurs, ainsi que de trois marchands (respectivement mercier, limonadier et marchand de vin).  Nous savons aussi, par un acte notarié rédigé au cours de la même période, que Louis a aussi joui du titre de receveur de la Loterie Royale et qu’il vient d'acquérir, pour la somme de 25 000 livre, l’hôtel de Nevers, un immeuble de quatre étages dans lequel il vit avec sa famille depuis deux ans.
Jean-Frédéric Gabiou naît en 1761 dans une famille appartenant à la petite bourgeoisie marchande et que l’on pourrait définir d’aisée, au vu de la nature des liens qu’elle montre d’entretenir avec le milieu des corporations parisiennes mais aussi avec celui de l’administration royale. A partir de l’acte de tutelle enregistré en janvier 1772 suite à la mort de sa mère Marie Elisabeth, nous apprenons en effet que Louis, le père, faisait partie de la riche corporation des maîtres perruquiers.<ref>Archives Nationales, série Y, Châtelet de Paris et du prévôté d'Île-de-France : AN Y//4960/A</ref> Une position qui apparaît comme bien établie et centrale car, parmi les signataires de l’acte on remarque la présence de deux autres maîtres perruquiers (dont Charles Lemoine, frère de la défunte), deux maîtres rôtisseurs, ainsi que de trois marchands (respectivement mercier, limonadier et marchand de vin).  Nous savons aussi, par un acte notarié rédigé au cours de la même période, que Louis a aussi joui du titre de receveur de la Loterie Royale et qu’il vient d'acquérir, pour la somme de 25 000 livre, l’hôtel de Nevers, un immeuble de quatre étages dans lequel il vit avec sa famille depuis deux ans.
A la mort de Marie-Elisabeth, la mère, Jean-Frédéric, son frère Louis-Joseph et sa soeur Jeanne Elisabeth ne sont que des enfants, respectivement de dix, sept et cinq ans. Nous n’avons pas trouvé de documents qui permettent de les suivre au cours de leur adolescence. Mais nous pouvons supposer que la double tutelle assignée par les juges au père et à l’oncle maternel ait favorisé une véritable proximité entre les deux familles puisque nous savons que Jean-Frédéric et sa cousine Marie Elisabeth, donnent naissance en 1787 à un enfant, Louis Henri. Lors de cet événement les deux jeunes ne sont pas mariés et ils ne peuvent pas l’être à cause de leur lien de consanguinité. Mais ils ont demandé à la cour de Rome une dispense qui leur sera octroyée en février 1789 par le commissaire apostolique de Paris, à la suite d’une procédure dont nous avons la transcription de l’audition du jeune couple et de leurs témoins.  
A la mort de Marie-Elisabeth, la mère, Jean-Frédéric, son frère Louis-Joseph et sa soeur Jeanne Elisabeth ne sont que des enfants, respectivement de dix, sept et cinq ans. Nous n’avons pas trouvé de documents qui permettent de les suivre au cours de leur adolescence. Mais nous pouvons supposer que la double tutelle assignée par les juges au père et à l’oncle maternel ait favorisé une véritable proximité entre les deux familles puisque nous savons que Jean-Frédéric et sa cousine Marie Elisabeth, donnent naissance en 1787 à un enfant, Louis Henri. Lors de cet événement les deux jeunes ne sont pas mariés et ils ne peuvent pas l’être à cause de leur lien de consanguinité. Mais ils ont demandé à la cour de Rome une dispense qui leur sera octroyée en février 1789 par le commissaire apostolique de Paris, à la suite d’une procédure dont nous avons la transcription de l’audition du jeune couple et de leurs témoins.  
[[Fichier:Capture d'écran 2018-08-16 17.11.03.png|vignette|Généalogie de la famille Gabiou]]
[[Fichier:Capture d'écran 2018-08-16 17.11.03.png|vignette|Généalogie de la famille Gabiou]]
L’acte est intéressant car il nous restitue une première image relativement précise du  parcours social accompli par Jean-Frédéric et, plus globalement, par les deux familles alliées. Jean-Frédéric, nous-dit-on, est devenu le clerc principal de Charles-Louis Farmain, un notaire installé dans la très centrale rue de Richelieu, à la hauteur de la rue Neuve-des-Petits-Champs. Quant à Marie-Elisabeth, elle a déclaré exercer la profession de peintre en portraits. Quatre amis du couple témoignent à l’acte. Il s’agit du sculpteur Antoine Chaudet et du peintre Charles-Edouard Chaise, de 26 et 28 mais déjà très affirmés dans le milieux artistique parisien, de Nicolas Chambon de Montaux, médecin en chef de la Salpêtrière et inspecteur des hôpitaux militaires, et Edme Tiron, secrétaire général de l'ordre de Malte.
L’acte est intéressant car il nous restitue une première image relativement précise du  parcours social accompli par Jean-Frédéric et, plus globalement, par les deux familles alliées. Jean-Frédéric, nous-dit-on, est devenu le clerc principal de Charles-Louis Farmain, un notaire installé dans la très centrale rue de Richelieu, à la hauteur de la rue Neuve-des-Petits-Champs. Quant à Marie-Elisabeth, elle a déclaré exercer la profession de peintre en portraits. Quatre amis du couple témoignent à l’acte. Il s’agit du sculpteur Antoine Chaudet et du peintre Charles-Edouard Chaise, de 26 et 28 mais déjà très affirmés dans le milieux artistique parisien, de Nicolas Chambon de Montaux, médecin en chef de la Salpêtrière et inspecteur des hôpitaux militaires, et Edme Tiron, secrétaire général de l'ordre de Malte.
L’environnement relationnel de la famille a donc totalement changé. Les artisans et les marchands qui avaient témoigné dans l’acte de tutelle ont laissé la place à des physionomies sociales proches aux milieux des arts et des industries parisiennes. Mis à part Antoine Chaudet, tous ces “amis” habitent sur la rive droite de la Seine, dans un triangle compris entre le Louvre la rue Saint Marc et la rue des Francs-Bourgeois au Marais, tous dans des rues qui étaient encore, dans cette époque pré-révolutionnaire, parmi les plus recherchées par les haut officiers de la royauté et de l'administration de la ville. L’évidente évolution dans l’inscription sociale des familles Gabiou et Lemoine se lit d’ailleurs aussi à partir de l’importance des biens répertoriés dans le contrat de mariage stipulé le 28 février 1789 entre Jean-Frédéric et Elisabeth. La liste est longue. Pour Jean-Frédéric, on relève une valeur de douze mille livres apportées en espèce ou sous forme de biens d’usage (meubles, vêtements, livres) et de plus de vingt-six mille livres de rentes de nature différentes (créances, investissements, etc.). De son côté Elisabeth apporte une dot dont la valeur n’est pas communiquée et cinq mille livres de biens d’usage.
L’environnement relationnel de la famille a donc totalement changé. Les artisans et les marchands qui avaient témoigné dans l’acte de tutelle ont laissé la place à des physionomies sociales proches aux milieux des arts et des industries parisiennes. Mis à part Antoine Chaudet, tous ces “amis” habitent sur la rive droite de la Seine, dans un triangle compris entre le Louvre la rue Saint Marc et la rue des Francs-Bourgeois au Marais, tous dans des rues qui étaient encore, dans cette époque pré-révolutionnaire, parmi les plus recherchées par les haut officiers de la royauté et de l'administration de la ville. L’évidente évolution dans l’inscription sociale des familles Gabiou et Lemoine se lit d’ailleurs aussi à partir de l’importance des biens répertoriés dans le contrat de mariage stipulé le 28 février 1789 entre Jean-Frédéric et Elisabeth. La liste est longue. Pour Jean-Frédéric, on relève une valeur de douze mille livres apportées en espèce ou sous forme de biens d’usage (meubles, vêtements, livres) et de plus de vingt-six mille livres de rentes de nature différentes (créances, investissements, etc.). De son côté Elisabeth apporte une dot dont la valeur n’est pas communiquée et cinq mille livres de biens d’usage.

Version du 16 août 2018 à 17:36

2018 Enquête sur Gabiou

Un des premiers personnages rencontrés au cours de nos explorations archivistiques autour de l’enclos St. Jean de Latran, a été Jean-Frédéric Gabiou, ancien notaire et homme d’affaires parisien, personnage à la fois central et secondaire dans l'histoire de l’enclos. Central car il fait partie du groupe des premiers personnages qui spéculent sur la vente des lots dans lesquels avait été découpée l’ancienne Commanderie, après sa nationalisation. Secondaire car, faisant partie du réseau des plus grands spéculateurs, très probablement, il n'avait jamais eu l’occasion d’arpenter les nombreux passages et cours de Saint Jean de Latran, en se contentant d'utiliser ces biens pour leur valeur d’échange. Son importance, dans notre recherche, est donc surtout liée à la possibilité que sa figure nous donne de reconstituer les nombreux liens qui se nouent autour non seulement de la vente des biens nationaux mais aussi des complexes spéculations financières entreprises, au cours de ces années, par les groupes et les figures sociales les plus disparates.

Jean-Frédéric Gabiou est avant tout un personnage énigmatique: une de ses entreprises les plus importantes a été celle de cofonder et codiriger la “Caisse des Rentiers”, propriétaire pour une décennie de la plupart de l’Enclos. Le caractère énigmatique de cet ancien notaire est le même de la Caisse dont il est fondateur., le même de toute spéculation à l’époque de la Révolution. Une époque où faire tourner l’économie peut être considérée une action patriotique, et où indéniablement il y a des personnes que, pour capacité et encore plus pour ancrage en certains réseaux, arrivent à trouver leur place là où faire tourner l’économie est particulièrement rentable. Jean-Frédéric Gabiou représente parfaitement ces hommes qui animent les tentatives de faire entrer la France dans le monde de celle qu'aujourd'hui, nous appellerions une économie libérale. Et la “Caisse des Rentiers”, propriétaire de l’Enclos de Saint-Jean de Latran, est une de ces sociétés qui fleurissent pendant la Révolution dans un activisme financier qui mènera à la naissance des nouveaux sujets de la grande finance française.

Une trajectoire de mobilité entre Ancien Régime et Premier Empire

Jean-Frédéric Gabiou naît en 1761 dans une famille appartenant à la petite bourgeoisie marchande et que l’on pourrait définir d’aisée, au vu de la nature des liens qu’elle montre d’entretenir avec le milieu des corporations parisiennes mais aussi avec celui de l’administration royale. A partir de l’acte de tutelle enregistré en janvier 1772 suite à la mort de sa mère Marie Elisabeth, nous apprenons en effet que Louis, le père, faisait partie de la riche corporation des maîtres perruquiers.[1] Une position qui apparaît comme bien établie et centrale car, parmi les signataires de l’acte on remarque la présence de deux autres maîtres perruquiers (dont Charles Lemoine, frère de la défunte), deux maîtres rôtisseurs, ainsi que de trois marchands (respectivement mercier, limonadier et marchand de vin). Nous savons aussi, par un acte notarié rédigé au cours de la même période, que Louis a aussi joui du titre de receveur de la Loterie Royale et qu’il vient d'acquérir, pour la somme de 25 000 livre, l’hôtel de Nevers, un immeuble de quatre étages dans lequel il vit avec sa famille depuis deux ans.

A la mort de Marie-Elisabeth, la mère, Jean-Frédéric, son frère Louis-Joseph et sa soeur Jeanne Elisabeth ne sont que des enfants, respectivement de dix, sept et cinq ans. Nous n’avons pas trouvé de documents qui permettent de les suivre au cours de leur adolescence. Mais nous pouvons supposer que la double tutelle assignée par les juges au père et à l’oncle maternel ait favorisé une véritable proximité entre les deux familles puisque nous savons que Jean-Frédéric et sa cousine Marie Elisabeth, donnent naissance en 1787 à un enfant, Louis Henri. Lors de cet événement les deux jeunes ne sont pas mariés et ils ne peuvent pas l’être à cause de leur lien de consanguinité. Mais ils ont demandé à la cour de Rome une dispense qui leur sera octroyée en février 1789 par le commissaire apostolique de Paris, à la suite d’une procédure dont nous avons la transcription de l’audition du jeune couple et de leurs témoins.

Généalogie de la famille Gabiou

L’acte est intéressant car il nous restitue une première image relativement précise du parcours social accompli par Jean-Frédéric et, plus globalement, par les deux familles alliées. Jean-Frédéric, nous-dit-on, est devenu le clerc principal de Charles-Louis Farmain, un notaire installé dans la très centrale rue de Richelieu, à la hauteur de la rue Neuve-des-Petits-Champs. Quant à Marie-Elisabeth, elle a déclaré exercer la profession de peintre en portraits. Quatre amis du couple témoignent à l’acte. Il s’agit du sculpteur Antoine Chaudet et du peintre Charles-Edouard Chaise, de 26 et 28 mais déjà très affirmés dans le milieux artistique parisien, de Nicolas Chambon de Montaux, médecin en chef de la Salpêtrière et inspecteur des hôpitaux militaires, et Edme Tiron, secrétaire général de l'ordre de Malte. L’environnement relationnel de la famille a donc totalement changé. Les artisans et les marchands qui avaient témoigné dans l’acte de tutelle ont laissé la place à des physionomies sociales proches aux milieux des arts et des industries parisiennes. Mis à part Antoine Chaudet, tous ces “amis” habitent sur la rive droite de la Seine, dans un triangle compris entre le Louvre la rue Saint Marc et la rue des Francs-Bourgeois au Marais, tous dans des rues qui étaient encore, dans cette époque pré-révolutionnaire, parmi les plus recherchées par les haut officiers de la royauté et de l'administration de la ville. L’évidente évolution dans l’inscription sociale des familles Gabiou et Lemoine se lit d’ailleurs aussi à partir de l’importance des biens répertoriés dans le contrat de mariage stipulé le 28 février 1789 entre Jean-Frédéric et Elisabeth. La liste est longue. Pour Jean-Frédéric, on relève une valeur de douze mille livres apportées en espèce ou sous forme de biens d’usage (meubles, vêtements, livres) et de plus de vingt-six mille livres de rentes de nature différentes (créances, investissements, etc.). De son côté Elisabeth apporte une dot dont la valeur n’est pas communiquée et cinq mille livres de biens d’usage. L’aisance bourgeoise du perruquier Gabiou s’est donc remarquablement renforcée dans le passage générationnel tout en spécifiant son inscription à l’intérieur d’un cadre relationnel marqué par la présence contemporaine des milieux artistiques et administratifs. Dans la nature de cette inscription, la présence féminine est remarquable. Marie-Elisabeth Lemoine, la femme de Jean-Frédéric, est une peintre déjà connue, tout d’ailleurs comme ses soeurs, Marie-Victoire et Marie-Denise. Quant à Jeanne-Elisabeth Gabiou, la soeur de Jean-Fréderic, elle est aussi une peintre connue qui se marie en 1793 avec le déjà très renommé sculpteur Antoine Chaudet, qui avait été l’un des témoins au mariage de son frère. Dans cet univers de peintres et sculpteurs auquel il faut aussi rajouter la présence de l’architecte Michel-Jean-Maxime Villiers, époux de Marie-Denise Lemoine, la dimension du commerce et de l'administration pourraient sembler marginale, voir inexistante. Pourtant elle est bien présente à partir des liens de Jean-Frédéric qui a pu reprendre, en 1790, l’étude notariale de maître Farmain tout en nouant, on le verra, des liens très important dans le milieux de la finance et de l’administration.



Sous l’empire: un mariage est l’occasion pour faire le point de la position que la famille Gabiou a conquise. En 1812, il participa au seconde mariage de sa soeur Jeanne Elisabeth Gabiou, alors veuve Chaudet, avec M. Husson, haute fonctionnaire de finances, originaire d’Arras, en présence d’un ensemble d’invité faisant partie de l’élite parisienne liée aux arts, au commerce et à la finance. Parmi les invités, on remarque le duc de Gaëte, ministre de finances, le comte Defermon, ministre d’Etat et président de la section de finances, du comte Duchatel, directeur général de l’administration de l’enregistrement et des domaines, ainsi que d’autres personnalités comme l’architecte Alexandre Theodore Brongniart, chargé de construire l’édifice de la Bourse [source?].


Les aventures financières Bachelier en droit, Gabiou devient le principal clerc du notaire Farmain (voir dispenses des parentés, AN Z1o-195B du 28.02.1789 ) jusqu’à quand, en 1789, il relève son bureau en devenant notaire à son tour. Et c’est en qualité officiellement de notaire et probablement de co-promoteur que, en 1791, nous le rencontrons engagé dans une première entreprise financière qui porte le nom de “Caisse Blanchard & Doré”. Le nom de la caisse découle des deux hommes qui la dirigent et son fin est directement lié à un des problèmes majeurs de l’époque: le manque de liquidité. Blanchard et Doré réunissent leurs compétences pour proposer d’échanger des fonds particuliers contre des billets d’échange, fabriqués par eux-mêmes afin de « faciliter des opérations ». En effet, Blanchard est un papetier et il peut assurer la production matérielle des billets, alors que Doré est un commissaire de l'Hôtel de la ville (ailleur il est défini comme “huissier, commissaire“ de l'hôtel de ville), quelqu’un en d’autres termes, bien inséré dans le réseau de l’administration de la ville, institution qui, en ce moment initiale de la révolution, est censé s’occuper des questions concernant l’absence de monnaie et ses solutions (assignats et similaires) Les deux habitent rue de la Mortellerie; Blanchard “rue de la Mortellerie quay Pelletier“ alors que Doré “rue de la Mortellerie n.165” Les opérations que la caisse voudrait envisager sont surtout l’acquisition de biens et immeubles et par conséquent, la jouissance de leurs produits.. Selon l’article 8 du document qui statuait leur société, l’emploi des sommes disponibles en caisse serait fait par Me Gabiou « en acquisition de biens fonds ou en obligation par privilège sur de pareils biens ». Les promoteurs de cette Caisse cherchent à obtenir le support des autorités politiques nationales et parisiennes: leur projet aurait en effet à jouer un rôle patriotique. Faire circuler l’argent est en effet une question vitale. Jusqu’à où faut-il croire à la bonne foi de ces promoteurs financiers dont la Révolution est riche? Difficile à fixer une limite, ce qui est sûr est qu’il y a une partie de la société qui, forte aussi des informations qui circulent dans des réseaux donnés, croit fermement dans la possibilité de participer à la Révolution en faisant leurs affaires. Quand l’argent circule tout le monde en profite, et certains en profitent évidemment plus que d’autres. Le projet est présenté aux autorités de la ville. (développement partial?)

Sous la Convention, nous retrouvions Gabiou, désormais ancien notaire, en tant qu’acteur important du milieu financier, au croisement des réseaux administratifs et économiques. Maintenant, il est aussi officiellement promoteur d’entreprises financières qu’il dirige avec un ancien chef du bureau de la Balance du Commerce: Marie Ambroise Arnould (1757-1812). Bien inséré du début dans la haute administration avant la Révolution, Arnould est aujourd'hui connu avant tout pour avoir publié en livre en 1791 (De la balance de commerce et des relations commerciales...) où, pour la première fois, une série de données économiques gardés secrets par l'administration de l'ancien régime sont rendues publiques. (piste à développer). Arnould joue un rôle très important à la balance du Commerce, role mis en avant dans le prospectus de la Caisse des Rentiers. Par la suite, il sera membre du Conseil des Anciens (an VI), tribun (an VIII), et conseiller maître à la Cour des comptes en 1807.

la Mi-tontine dizainaire, une société civique « pour le retirement des assignats »

En germinal an V (mars/avril 1797), Gabiou et Arnould lancent la Caisse des rentiers, une société par actions, responsable de l’acquisition de plusieurs immeubles à Paris, parmi eux, le dit Enclos. (voir Bouchary).

A propos de la famille Arnould 1789: émancipation des frères [d’Arnould]. L’acte est particulièrement intéressants pour la petite liste de personnes proches à famille présentes face aux conseillers du roi: Furent présents les parens et amis de Marie Thérèze Arnould et d’Ambroise Athanase Arnould tous deux enfans mineurs de defunts sieur Henry Arnould commis à la Caisse des fermes générales et de Dame Marie Henry décédée sa femme. Lesdits mineurs Arnould émancipés d’âge suivant les lettres par eux obtenues en la chancellerie du Palais à Paris le 15 du présent mois de janvier, signé par le Conseil Orient, scellées extraordinairement le même jour, [insinuées?] à Paris par [Caqué?] le lendemain. Lesdits parens et mais comparans [?] Me Ambroise Henry Arnould, avocat au Parlement sous directeur du Bureau de la Balance du Commerce demeurant à Paris rue [?] paroisse Saint Germain l’Auxerrois frère consanguin desdits mineurs. Sieur Jean François Arnould, commis de MM. Tourton et Ravel, demeurant à Paris rue neuve St Laurens paroisse St Nicolas des Champs, oncle paternel des dits mineurs. Sieur Pierre François Barre loueur de carrosses demeurant à Paris rue du Faubourg St Marin paroisse St Laurent, oncle maternel desdits mineurs. Sieur Jean Potier, directeur général de la Balance du Commerce demeurant à Paris rue [Rochechouart?] paroisse St Pierre de Montmartre, ami M. Pierre Cochereau, contrôleur général des fermes demeurant à Paris rue Favart paroisse St Eustache, ami Sieur Jean Alexandre Arnould, horloger à Paris demeurant rue [Aumaire?????] paroisse St Nicolas des Champs, cousin germain des mineurs Sieur Henry Toussaint Arnoud, graveur à Paris y demt, mêmes rue et paroisse, cousin germain des dits mineurs. Me Hyacinthe Rose Devilliers, avocat au parlement demt à Parie rue du Faubourg St Honoré, paroisse de la Madelaine, ami. et Jean Pierre Aurève, bourgeois de Paris y dmt rue du [Monceau?] paroisse St Gervais, ami. On retrouve ici des liens déjà étroits en 1789 entre la famille d’Arnould et figure clé de la haute administration, par example le directeur de la Balance du Commerce avant Arnould, Jean Potier - Arnould remplace Potier à la direction de la Balance du Commerce en aout 1792

La caisse La Caisse des Rentiers devient « propriétaire de l’enclos St Jean de Latran au moyen des adjudications faites à son profit par huit procès-verbaux », moyennant la somme de 3.362.600 francs, soit, plus de dix fois sont prix de mis en vente: 298.152 francs.

La Décade philosophique - note sur “Projet de banque présenté par le C. Gabiou, sous le titre de Caisse des Propriétaires” Décade, année VII de la RF, n. 16, p. 444-447

Gabiou fut, en tant qu’administrateur de la Caisse des Rentiers, client de la Caisse de Comptes Courants (note 2) qui en 23 frimaire an VII (13/12/1798) lui accorde des « facilitées exceptionnelles de remboursement » en autorisant l’échange de 6000 F de billets dans un moment où la crédibilité de cette institution était en crise ainsi que la circulation et convertibilités de ses billets (voir BERGERON, 1978, p. 338). Bouchary dans son livre sur les « manieurs d’argent à Paris à la fin du XVIII siècle » nous fournit une piste intéressante sur l’une de possibles destinés de cette société et également, nous laisse apercevoir la liaison existante entre Gabiou et un important cercle de banquiers intéressés à la création d’une grande banque d’escompte, parmi eux, les futurs premiers dirigeants de la Banque de France. Dans ses tentatives, « En prairial an VII (1799), Perregaux avait participé avec diverses personnalités dont les banquiers Récamier et Germain, avec Cretet, etc., à la transformation de la Caisse des rentiers du notaire Gabiou » (p.50). Dans la même année Gabiou publie dans le Moniteur « son plan de banque » qui a été, renvoyé à une commission » (note 4). Trois ans après, en 1802, on le trouvera dans le compte rendu de l’Assemblée Générale des Actionnaires de la Banque de France. Seulement les deux cents plus forts, et cette force venant de la perception de leurs dividendes, y étaient convoqués. Il n’apparaitra pas dans les comptes rendus précédents, ceux de 1800 et 1801, ni dans les postérieurs à 1802. Ce qui nous permet de conclure qui après 1802, soit il a vendu ses actions, soit d’autres souscripteurs plus forts y ont entré dans le club de la Haute Banque. Selon Bergeron, « Certains noms ont disparu du groupe de deux cents plus forts actionnaires, rayés bientôt par la mort (…) D’autres disparitions, plus tardives, s’expliquent par les ravages imputables aux faillites et aux crises (…). Beaucoup de noms, aussi ne sont restés sur la liste qu’un ou deux ans » (BERGERON, p.96).

Membre de la Société d’Encouragement pour l’industrie, cf. Bulletin de la Société d'encouragement pour l'industrie nationale, Volume 12-13, 1813, p. 291

Ses dernières traces sont à chercher dans quelques petits ouvrages rédigés vers la fin de l’Empire et sous la Restauration. Pour la plupart des financiers, en ce particulier moment historique, le « manieur d’argent a fait place au doctrinaire de finance et à l’homme politique » (Bouchary, 1939,p. 101). Pour Gabiou, cela est vrai seulement en partie, ayant déjà publié avant d’autres ouvrages concernant l’économie.

En 1814 dans sa Lettre à M. le Directeur général de l’agriculture sur la nécessité de permettre l’exportation de laines de mérinos français, Gabiou expresse clairement appui aux propriétaires et cultivateurs des brebis français contre les marchands et manufacturiers de laines fines venues d’Espagne, ces derniers, intéressés exclusivement aux bénéfices que ce commerce les procure au détriment d’une nouvelle source de richesse et de travail pour la nation; puis, en 1816 dans son « Nouveau système de finance et projet de liquidation générale fondés sur la Charte » il propose trouver la solution efficace pour la pénurie de l’argent et la misère des peuples en passant par une réorganisation de la Banque de France. Une autre ouvrage, « Sur le vice radical de la loi de finance, appelé budget » voit le jour en 1819, il s’agit d’une brochure basée sur son système de finances de 1816. Ces ouvrages sont publiés pendant la restauration de la monarchie française, et fait curieux, après avoir été chef des bureaux de l’intendance dans la maison de l’empereur, et d’avoir eu des liaisons avec des hautes fonctionnaires impériaux, comme on a pu voir lors du mariage de sa soeur, Gabiou, traversant apparemment intact tous les différents régimes politiques de son époque, ose critiquer le gouvernement de Bonaparte en lui traitant de perfide, d’usurpateur, de banqueroutier, etc, au même temps qu’il dépose tout son espoir dans le gouvernement des Bourbons.

On le voit, donc, circuler entre 1789 et 1819 dans plusieurs domaines de l’économie française, entouré des gens d’affaires d’une importance considérable, comme Perregaux, banquier d’origine suisse et premier régent de la Banque de France, ainsi que du banquier Ravel, qui se disait, actionnaire de la Caisse de Rentiers (voir Bouchary). En 1825, on le trouvera également dans les recueils du Journal du Palais accusé de stellionat dans l’affaire Mellerio-Meller pour la vente du domaine de Lozère, acheté par Gabiou en 1793 et vendu en 1816 (note 3) Il ne semble pas avoir s’enrichi dans ce tas de transactions effectués depuis la fondation de la Caisse des Rentiers, au contraire. Dans l’inventaire après décès de son épouse en 1814, il déclara ne posséder comme bien que la moitié d’une maison dans la Rue du Bac, appelé hôtel de Nevers, qu’il a hérité de la succession de son père, ainsi qu’une exhaustive liste de créanciers de l’époque de la Caisse des Rentiers. Malgré le volume d’affaires réalisés au nom de la Caisse des Rentiers (couvent et jardins des Filles Dieu; les Nouvelles catholiques; maison rue d’Enfer provenant des Feuillants; la régie des fiacres faubourg St Denis; la maison des Filles de l’Instruction chrétienne; l’Abbaye aux Bois; le couvent des Capucins du Marais, l’enclos St Jean de Latran, (Bouchary,1940, 94)) on ne sait pas davantage sur la suite de cette société. On sait néanmoins que certains actionnaires, mécontents du comportement de leurs dirigeants, accusaient Gabiou et Arnould de « ne rendre aucun compte et de consommer tous le produits en constructions ou acquisitions qu’ils revendent ensuite (…) avec tant de secret, en ne mettant ni affiche ni insertions aux journaux, qu’ils en deviennent acquéreurs à vil prix sous des nom interposés » (Bouchary, 1940, p.94). A ces accusations, très enflammées de la part d’un homme de lois dit, Sevère, Gabiou, alors chef des Bureaux dans la Maison de l’Empereur, répond de sa probité dans la gestion de fonds qui lui ont été confié de la part des actionnaires et responsabilise les troubles politiques pour toutes pertes subies par les actionnaires. Dans une lettre adressée à Napoléon, à qui tous ces plaintes sont vite arrivées, il présente, parmi les adroits de son administration, le fait d’avoir eteint plus de « 600.000 fr en tiers consolidé perpétuelle du Grand-livre » (Bulletin n.31 de l’histoire de la Sécurité Sociale, p.209), ce qui n’était pas négligeable, surtout quand la crise financière de 1805 était déjà à l’horizon. Cependant, après l’analyse de comptes de cet établissement fait par le ministre du Trésor, Barbé-Marbois, à la demande de Napoléon, la conclusion sur les placements dans la Caisse des Rentiers fait comprendre que « les actionnaires de la société auraient mieux fait de garder leurs rentes sur l’Etat » (Bulletin n.31 de l’histoire de la Sécurité Sociale, p.197) Cette brève, mais très suggestive esquisse du sieur Gabiou, se faisant nécessaire pour l’introduction de « l’usage » qu’on prétend ici de la narrative balzacienne en ce qui concerne les sociétés financières et la spéculation foncière à Paris pendant la période en question. Balzac, témoin et grand narrateur de moeurs de la première moitié du XIX siècle français, a souvent invoqué son rôle d’historien et, grâce à ce propos nous a livré un récit, vaste, détaillé et très complexe de son époque. Selon George Sand, Balzac a écrit aussi «pour les archives de l’histoire de moeurs, les mémoires du demi-siècle qui vient de s’écouler » (Sand, 160) Un peux plus loin, cette exclamation avec laquelle nous partageons tout son l’enthousiasme: « Que ne donnerions-nous pas, chercheurs d’aujourd’hui, pour que chaque demi siècle écoulé nous eût été transmis tout vivant par un Balzac! » (Sand, 160). C’est donc Dans les registres effectués par Balzac que nous nous sommes penchés pour analyses et essayer de comprendre les pratiques communes au monde financier en pleine ascension. Malgré l’intérêt en poursuivre dans la justificative de ce bon ménage entre littérature et histoire (pas toujours évident), on se limitera à présenter l’oeuvre balzacienne comme une « réalité vrais » où ses types n’ont pas un correspondant dans la réalité, mais « chacun de ces types résumait à lui seul toute une variété de l’espèce humaine » (Sand, 161). L’intention ici ne sera donc pas de trouver un correspondant identique à notre mystérieux personnage réel, mais plutôt de s’en servir de cet éventail de qualités morales repéré dans l'inépuisable source littéraire et, également, historique qui est la Comédie Humaine, pour interpréter, déchiffrer et comprendre les motivation qui conduisait Gabiou et autres gens d’affaires de son époque à constituer, apparemment du jour au lendemain, des sociétés financières prêts à saisir Paris par le biais de la spéculation urbaine. Or, peut être a-t-il croisé des Gabiou lors de ses flâneries. ???? Le but sera donc de valider nos pistes, en faisant recours à la typologie balzacienne quant il s’agit d’expliquer certains comportements liés au monde financier.

Le monde financier de la Comédie Humaine Le fait, paradoxale, que des sociétés financières abondaient dans une période de « pénurie monétaire » est du moins suspect. Soit, étaient-ils des idéalisations des citoyens exemplaires, soucieux de trouver la solution à cette pénurie, en présentant des plans de finances complexes mais séduisants, comme on a vu avec le « Prospectus de la caisse des rentiers » idéalisé par Arnould et Gabiou, soit sont elles des combinaisons ambitieuses fruit d’une escroquerie généralisé qui profitait de…en voyant dans la crise un filon pour … La première version est celle qui proposent les sieurs Blanchard, Doré, Arnould, Gabiou, etc, la seconde est celle qui, souvent, ressort de la fiction balzacienne. Le point commun entre les deux, entre la réalité et la fiction, est, d’un côté, l’existence d’une masse des petits et grands épargnants désireux de placer leurs « trésors » soigneusement cumulés et qui étaient jusqu’à la « isolés dans leurs relations pécuniaires, livrés à la médiocrités de leurs propres moyens » (Bouchary, 89) et de l’autre, des experts, prêts à employer leurs connaissances en matière économique pour faire fructifier la masse d’argent stagné. « Cette mobilisation de l’épargne dormante trouve pourtant des agents naturels: les notaires, qui conservent leur rôle de conseillers et d’intermédiaires, orientant les placements, se chargeant de les effectuer, signalant les bonnes affaires, mettant en rapports les capitalistes et l’emprunteur… » (PALMADE,1961,p.83) Or, on trouve dans la société créée par Balzac certains banquiers avisés, les loups-cerviers de la finance, comme il les nommait, conçus à partir d’ une réalité qui a été aussi la sienne et dans laquelle l’argent a joué un rôle majeur. L’ argent qui, dans sa forme liquide n’abondait pas, il fallait donc le trouver ou bien, le fabriquer comme le proposait, la société Blanchard & Doré, mais aussi Gabiou. Pour cela on pense spécialement à des Nucingen, des Keller, des Du Tillet. Ensuite, dans un rang inférieur mais pas/non moins important dans le commerce de l’argent, on pense aux Gobseck, aux Palma, aux Gigonet, aux Cérizets. Dans ce dernier, « le banquier de pauvres » «  fonctionne le dernier rouage de la finance parisienne ». La hiérarchie est meilleur donné par Balzac lui même: « En haut, la maison Nucingen, les Keller, les du Tillet, les Mongenod, un peu plus bas les Palma, les Gigonnet, les Gobseck, encore plus bas les Samanon, les Chaboisseau, les Barbet; puis enfin, après le Mont-de-Piété, cette reine de l’usure, qui tend ses lacets au coin des rues, pour étrangler toutes les misères et n’en pas manqué une, un Cérizet! »(Les petits bourgeois, p.120) Le plus célébre mais aussi le plus compacte dans sa fiction est sans doute le baron de Nucingen que à la façon des vieilles Parques, tissait la destinée de plusieurs personnages, comme le témoigne la saga de César Birotteau. Alsacien, fils d’un juif converti, ancien commis du banquier d’Aldriger, il vient à Paris en 1804 et jusque là son nom était «restreint à Strasbourg et au quartier Poissonnière » (MN, 338). Après trois liquidation prémédités, 1804, 1815 et 1827, Nucingen devient connu et ses papiers gagnent de la valeur, ils son cherchés. Le mécanisme mis en route est toujours le même: il suspend ses paiements, il désintéresse ses créanciers avec de « papiers morts » et reprends ses créances, il paie ses dettes et « Par une circonstance inouïe, le valeurs revivent, reprennent faveur, donnent des bénéfices » (MN 338). Les papiers Nucingen sont désormais connu en Europe et même ailleurs. « Chez lui, la banque est un très petit département: il y a les fournitures du gouvernement, les vins, les laines (ici je pense à Gabiou à propos de son traité de commerce sur la production du mérinos français), les indigos, enfin tout ce qui donne matière à un gain quelconque » (MN 339) La troisième fausse faillite de la maison Nucingen mérite ici un décélement particulier car elle est une magnifique leçon d’économie financière, quoique fondé sur des bases immorales: Aux alentour de 1826 la maison Nucingen possédait environ six millions de francs partagés entre fonds particuliers et papiers émises. Plus d’un tiers de ce capital était des fonds particuliers. Parmi ses plus importants clients on trouvera la baronne d’ Aldrigger, épouse de son ancien chef, le jeune Godefroid de Beaudenord et son cousin le marquis d’Aiglemont, le comte d’Aubrion, ainsi que le droguiste Matifat. Ces valeurs ne lui faisant pas encore un grand banquier, car il avait compris qui «l’argent n’est une puissance que quant il est en quantités disproportionnées » (MN 369), il decida alors d’investir cinq millions dans les mines d’Amérique, « dont les profits avaient été calculés de manière à revenir trop tard » (MN 371). Entretemps, pour soutenir sa machine spéculative, il conçoit l’idée d’ une société par actions, solide et avec de gros intérêts donnés aux actionnaires dans les premiers temps, pour attirer des capitaux niais et, par conséquent procurer « une hausse sur les actions » et « un bénéfice pour le banquier que les emmetrait » (MN 371). Cette idée « aussi féconde qu’ingénieuse », comme la décrit Bixiou nécessitait de quelques polichinelles, des hommes de pailles, de façon à ne pas compromettre sa réputation lors d’un moment de crise, ou d’engorgement de papiers, comme l’on vera tout a leur. Du Tillet, petit banquier et comparse de Nucingen depuis les débuts de la Restauration, est le premier auquel il laisse échapper ses plans sans pourtant lui confier tous les détails. Séduit par l’idée mais craignant, en cas d’échec, « un blâme quelconque » ( MN 371 ) du Tillet met en place l’une des dernières rouages de la finance parisienne: Claparon, qui servira de homme de paille de la société prémédité par Nucingen. Fut alors crée la société par actions Charles Claparon, laquelle comptait avec tout l’appui et le crédit de la maison de Nucingen. Le tout prémédité et préparer, il fallait juste déclencher la machine. pour commencer, la diffusion d’un scandale financier questionnant la solvabilité de la maison Nucingen a été magistralement opéré par Rastignac et d’autres financiers (coulissier) de garde à la Bourse. Palma, Werbrust et Gigonet, en s’appercevoint de la « friponnerie », mais intéressés à tirer parti de l’affaire, ont disséminé des informations contradictoires sur la crédibilité de Nucingen au même temps qu’ils vantaient les actions claparons. Pour compléter la mis en scène, Nucingen part en Belgique simulant chercher de recours, voir secours, auprès des financiers de cette place, car son épouse Delphine Goriot, dont laquelle il était le dépositaire legal du dot, lui avait demandé la séparation des biens. Dans quelques heures le tuyau d’information bouche à oreille activé par ses complices arrive aux concernés et la panique fait chuter les papiers Nucingen. « La nouvelle circula dès lors avec la rapidité du feu sur une meule de paille »(MN 386). Ceux qui possédaient ses papiers en ont échangé, avec des remises autour de 10 à 12 pour cent, comme l’ancien droguiste de la rue St Denis, Matifat, qui a donné à Gigonnet ses nucingen contre des claparon, trois cent mille francs au total, avec une perte de douze pour cents. Cette manoeuvre a permis à Nucingen récupérer l’intégralité de ses papiers pour la moitié de son prix nominale. Les actions claparon, qui dans un premier moment, offraient des pseudos dividendes irrésistibles voient leur valeur tomber de 1250 francs à 400 francs en quelques mois. Le motif: « La société Claparon fit trop d’affaires, il y a eu engorgement, elle cessa de servir les intérêts et de donner des dividendes, quoique ses opérations fussent excellents » (MN 389). Nucingen, le seul connaisseur de la vrai valeur de ces actions, les racheta et conclut le puff financier qu’il avait mis en oeuvre onze mois auparavant. Au même temps ses affaires dans les mines d’Amérique portent ses fruits et « l’action de mille francs vaut mille francs de rente » et il se trouvera propriétaire d’une grosse fortune, « dit-on seize à dix-huit millions » (voir le signification de cette somme par rapport à la fortune de Rothschild) La Révolution de 1830 lui fera Paire de France et « grand officier de la Légion d’honneur » sans que ses chères clients ont pu lui suspecter la moindre inconduite professionnelle.

Dans la Comédie Humaine, Nucingen sera impliqué dans la vente de terrains dans le quartier de la Madeleine. Delphine, son épouse dévoile à son père la méthode employé par le financier: « Il achète des terrains nus sous son nom, puis il y fait bâtir des maisons par des hommes de paille. Ces hommes concluent les marchés pour les bâtisses ave tous les entrepreneurs, qu’ils payent en effet à long termes, et consentant, moyennant une légère somme, à donner quittance à mon mari, qui est alors possesseur des maison, tandis que ces hommes s’acquittent avec les entrepreneurs dupés en faisant faillite. Le nom de la maison de Nucingen a servi à éblouir les pauvres constructeurs. J’ai compris cela. J’ai compris aussi que, pour prouver, en cas de besoin, le payements de sommes enormes, Nucingen a envoyé des valeurs considérables à Amsterdam, à Naples, à Vienne. » (Père Goriot, p. 244)


L’une de victime de cette affaire de terrains de la Madeleine a été le parfumeur Birotteau, le propriétaire de la Reines des Roses, successeur du sieur Ragon

Dans une passage du Père Goriot, Delphine, l’épouse de Nucingen explica à son père le mécanisme spéculatif de son mari. « … il m’a mise au fait de ses affaires. Il a jeté tous ses capitaux et le miens dans des entreprises à peine commencées, et pour lesquelles il a fallu mettre de grandes sommes en dehors. Si je le forçais à me présenter ma dot, il serait obligé de déposer son bilan; tandis que, se je veux attendre un an, il s’engage sur l’honneur à me rendre une fortune double ou triple de la mienne en plaçantes capitaux dans des opérations territoriales à la fin desquelles je serai maîtresse de tous les biens » (Père Goriot, p.240).

L’assaut de Paris par la bourgeoisie Simultanément, une partie des fonds provenant des combinaisons financières, comme celle de Nucingen, mais aussi comme celle la Caisse de Rentiers, était directement canalisée/mobilisée dans la spéculation foncière. D’ailleurs c’était le but principal de la société Arnould et Gabiou, qui appelait le rentier à « jouir du capital de ses inscriptions » en les transformant en immeubles (Bouchary, 93). Le moment où ce séduisant appel (de la caisse de rentiers) à été lancé c’était celui de la vente de bien nationaux, où, pour soutenir le flux de assignats, l’Etat républicain va mettre en vente les propriétés confisquées, d’abord au Clergé, aux fermier généraux, aux émigrés … mais la vague spéculative ne s’arretera pas avec la transmission des titres de propriétés de l’Etat aux particuliers.


Paris restera toujours ouverte à la spéculation foncière et la encore, Balzac sera très attentif et nous livrera des précieuses informations pour y suivre le ritme, au moins, pendant la premier moitié du siècle. Comme l’indique Guichardet, Balzac est un « narrateur soucieux de noter les transformations de territoires qui finissent toujours pour attirer l’attention des spéculateurs » p. 17 Dans le roman inachevé « Les Petits Bourgeois » on y trouve le cas typique de spéculation fonciere avec laquelle la bourgeoisie parvenue consolide son domaine sur le plan économique sans, pourtant, perdre de vue ses ambitions politiques. Mlle Thuillier, protagoniste de cette histoire, est un exemple de ce qu’on pourrait qualifier « self made women », même si elle a eut un petit coup de main des protecteurs de son père, ancien premier concierge au ministère de Finances.


« A l’age de 14 ans elle se retira dans une mansarde à quelques pas de la Trésorerie qui se trouvait Rue Vivienne, et non loin de la rue de la Vrillière où s’était établie la Banque. Elle se livra courageusement à une industrie peu connue (…), et qui consistait à fabriquer des sacs pour la Banque, pour le Trésor et aussi pour les grandes maisons de finance » (PB 33). Après quinze années de dur travail et d’une privation près de l’avarice, Mlle Thuillier comptait 2 ouvrières et un capital qui, placé sur le Grand Livre, lui procurait 3.600 livres/francs de rentes. Elle vend alors « quinze mille francs sa clientèle à sa première ouvrière, et vint s'établir rue d'Argenteuil chez son frère ». A son capital, qu’elle cachait à son frère par prudence, viendront s’ajouter 30000 francs en dot de sa belle-sœur, Mlle Lemprun, fille d’un fonctionnaire de la Banque dès sa fondation (Banque de France), ainsi que la succession du bonhomme lors de son décès en 1817. Gestionnaire de une grosse fortune, qu’elle a su transformer en rentes mais aussi la fructifier par biais de l’escompte, Mlle. Thuillier achètera six mois après la révolution de 1830 aux alentours du Luxembourg une maison, situé entre cour et jardin « pour le prix minime de 46000 francs de principal; les accessoires allèrent à 6000 francs, total: 52000 francs » (PB. 23) Dans deux ans, Mlle Thuillier jouissait d’un revenu de 7200 francs provenant de l’ensemble des loyers. Parmi ses locataires, le jeune avocat des pauvres Théodose de La Peyrade, le libraire-escompteur Barbet, le papetier Métivier et le greffier de la justice de paix, Dutocq. Son ambition, animée par l’esprit du « enrichissez-vous » qui planait déjà sur les foyer bourgeois, ne s’arrêtera pas la. Incitée par Théodose à promouvoir son frère, Jerome Thuillier, à la vie politique, en commençant par la représentation de l’arrondissement et terminant dans la députation (le rêve de Balzac aussi), Brigitte emploiera ses capitaux dans l’achat d’un autre immeuble au nom de son frère. Cette nouvelle transaction, devrait lui faire gros rentier, vu que les éligibles avaient besoin de payer le cens, de posséder quelques livres de rentes et, pour couronner le succès matériel venu exclusivement d’un travail honnête, une ouvrage sur « n’importe quoi », le crédit publique, par exemple, serait le nec plus ultra de ces Celle dont laquelle Theodose composait pour son ami s’intitulait « De l’impôt et de l’amortissement » … L’affaire sera confié au jeune Théodose, qui aux prises avec les malhonnêtes Cérizet et Claparon à cause d’une ancienne dette de 50000 fr en lettres de changes, mènera une longue lutte commerciale et juridique que finira pour faire des Thuillier les propriétaires de la belle demeure de la Madeleine, convoité par Birotteau vingt ans auparavant.


Le tout, par une somme totale, y compris les « pot-de-vin », de 125 mille francs pour un immeuble que vaudra un million dans dix ans. Une excellente affaire si on ajoute les revenus proportionnés par les loyer qui montait à plus de 40 mille francs par an.


Conclusions/ pistes Les profits et fraudes de Nucingen, du Tillet et cie étaient possibles grâce, d’un coté, à un système de crédit déjà bien développé ainsi qu’un réseaux actif en France/Europe, et de l’autre, à une faible régulation juridique des institutions financières. manque de transparence. la question ici n’est pas de nature legal, mais surtout morale. Et ce cet aspect que Balzac souligne quand il parle du : salve-se quem puder! Sont les valeurs dégagés de loyauté qui menacent l’…ordre sociale. Il est encore plus clairvoyant quand pose les bases du capital producteur d’intérêt un demi siècle avant la publication du Capital Dans un premier moment le jeux de la finance faire croire au gagnant gagnant, comme si serais possible fructifier son argent à l’infini sans pourtant passer par la sphère productive, mais le Temps est le grand astringent du monde financier et comme on a vu ave Nucingen, mais aussi avec les actions de la Caisse des Rentiers… L’information est un facteur très important qui corrobore pour le mouvement d’hausse/baisse des actions faisant certains débutants, comme Beaudenord, et d’autres déjà expérimentés, comme Matifat, croir à un mouvement propre et naturel du marché. Pour Gabiou, son statut d’ancien notaire est un fait à considérer dans l’analyse de son parcours. Son implication dans des opérations financières est due, probablement, aux mêmes raisons présentés pour l’ensemble de la communauté notariale de l’époque, à savoir: «  l’étendue des relations établies à l’occasion de l’exercice de l’ensemble de leurs activités, et de la connaissance intime des fortunes individuelles qui en résulte; du fait également de leur statut d’officiers ministériels qui fait d’eux des interlocuteurs habituels de l’Etat et conduit donc naturellement celui-ci à faire appel à eux pour le placement de sa dette » (Hautcoeur, p.25) Utile de rappeler que à cette époque la méfiance des français envers la spéculation monétaire était aussi responsable d’un comportement thésauriseur, fait qui «priv(ait) la richesse de ce développement rapide que d’autres pays doivent à la liberté, particulièrement à celle des institutions de crédit » (Courtois, p.89). Toutes les lectures qu’on a pu faire, relatives à ce sujet, nous font penser qu’entre la fin du XVIIIe siècle jusqu’aux premières decenies du XIX, une forte campagne à été mené par des gens d’affaires, impliqués ou non dans la politique, à émanciper les français de leur méfiance par rapport aux placements financiers. Cette campagne se poursuivra tout au long du XIXe siècle



BIBLIOGRAPHIE: BALZAC, Honoré. La maison Nucingen

             Les Petits bourgeois 
              Le Père Goriot        


BERGERON, Louis. Banquiers, négociants et manufacturiers parisiens du Directoire à l’Empire. Paris, 1978. BOUCHARY, Jean. Les Compagnies financières à Paris à la fin du XVIIIe siècle (Tome I). Paris, 1940 BOUCHARY, Jean. Les manieurs d’argent à Paris à la fin du XVIIIe siècle, Tome I, Paris 1939. BOUCHARY, Jean. Les manieurs d’argent à Paris à la fin du XVIIIe siècle, Tome III, Paris 1943. BOUCHARY, Jean. Les faux-monnayeurs de l’argent sous la Révolution Française. Paris, 1946. SAND, George. Honoré de Balzac. In: Balzac. Collection Mémoire de la critique, Presses de l’Université de Paris-Sorbonne, 1999.

Notes 1- dont l’étude se trouvait sis à Rue de Richelieu de 1790 à l’an III, puis à la Rue de la Loi, n. 1264 de l’an III à l’an VI et Rue de Moulins, butte Saint-Roch de l’ an VI à l’an VIII. 2 - La Caisse des comptes courants est une banque française fondée en juin 1796 à partir des reliquats de la Caisse d'escompte qui avait été liquidée en 1793. Elle fusionna avec la Banque de France en février 1800. source : http://fr.wikipedia.org/wiki/Caisse_des_comptes_courants 3-https://books.google.fr/books?id=QdgxAAAAIAAJ&pg=PA14&lpg=PA14&dq=gabiou&source=bl&ots=gXSvh9_lF7&sig=Vbzf03GKOMmpfTf5B_blMYwkZrw&hl=fr&sa=X&ei=9FytVMqKOYn9UsHwgbAB&ved=0CDwQ6AEwBTgK#v=onepage&q=gabiou&f=false 4 - cette information à été trouvé dans la Table alphabétique du Moniteur https://books.google.fr/books?id=nQs7AAAAcAAJ&pg=PA1&lpg=PA1&dq=table+alphabetique+du+moniteur&source=bl&ots=Q4rzWK9qdZ&sig=y167PKxGg3RFe2H-XvY0P3-u4ys&hl=fr&sa=X&ei=96ezVKD2Ior2UP2-g4AG&ved=0CEQQ6AEwBg#v=onepage&q=gabiou&f=false) Selon E. Léon, « la coulisse comprend, dans un sens large, toux ceux qui, en dehors des agents de change, font habituellement des opérations de Bourse: les banquiers, les changeurs, les sociétés de crédit, les vendeurs à tempérament de valeurs mobilières, les agents financiers; tout ceux qui, à un degré quelconque de la hiérarchie, vendent, achètent, jouent, spéculent sans l’entremise des agents de change, pour le compte d’autrui, tous ceux-là peuvent s’appeler des coulissiers » (Hautcoeur apud E. Léon, La coulisse et ses opérations)

  1. Archives Nationales, série Y, Châtelet de Paris et du prévôté d'Île-de-France : AN Y//4960/A