L'enclos et la première spéculation

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(Ici, Andrea et Maurizio vont peiner....)


La plupart de l'Enclos est acheté aux enchères des ventes de biens nationaux par la Caisse des Rentiers. De cette manière l'enclos se trouve au cœur d'une dynamique sociale, urbaine et économique fondamentale.

La Caisse des Rentiers est conçue, fondée et administrée par deux personnes qui se trouvent au croisement de milieux parisiens (administration, politique, finance, culturel, etc.): Gabiou (notaire) et Arnould (haut fonctionnaire).


Marie-Ambroise Arnould (1757-1812)

Bien inséré du début dans la haute administration, il participe à un réseau-clé où finance, administration et politique se renforcent mutuellement. Rôle très important à la balance du Commerce – mis en avant dans le prospectus de la Caisse des Rentiers – par la suite, membre du Conseil des Anciens (an VI), tribun (an VIII), conseiller maître à la Cour des comptes en 1807. Il est aujourd'hui connu avant tout pour avoir publié en livre en 1791 (De la balance de commerce et des relations commerciales...) où, pour la première fois, une série de données économiques gardés secrètes par l'administration de l'ancien régime sont rendues publiques. (piste à développer)

Données basiques sur sa carrière et ses publications: fiche biographique basique de la Cour des Comptes Ce site lie Arnould à deux adresses: Domiciles : 24, (rue de la) place Vendôme (1er), 26, rue du Bouloi (1er).

Jean-Fréderic Gabiou (1761-1835)

Il pourrait être dessiné comme un personnage fort ambivalent : les tensions à participer à une transformation fondamentale pour la société française s’entremêlent à la capacité de retirer des avantages personnels de la participation à un réseau financier-administratif-politique. En d’autres termes, il pourrait jouer le rôle du représentant d’un milieu qui croit dans la « libéralisation » de la Révolution (au-delà des régimes particuliers qui se succèdent entre 1789 et la fin de l’Empire) et qui, au même temps, exploite ses networks pour consolider une position sociale nouvelle. Gabiou pourrait montrer comment la Révolution fait la bourgeoisie bien plus qu’elle soit faite par la bourgeoisie, au sens qu’il participe à la consolidation d’une élite porteuse d’une idéologie (à commencer peut-être de l’idéologie des idéologues – cf. accueil d’un de ses projets par la Décade) dominante et dont les bases et les formes ont été assurées et façonnées par les transformations politiques, sociales et économiques (les bien nationaux et tout l’histoire de la Caisse des Rentiers, Gabiou &C. le montre bien dans ses ambivalences). Le caractère ambivalent de Gabiou pourrait être développé à propos d’un autre aspect de son parcours : s’il préfère agir dans l’ombre, il cherche aussi à prendre la parole, à se montrer (les pamphlets, etc.) sans jamais y parvenir.

Pour approfondir la figure de Gabiou et sa possible lecture comme personnage balzacien:

Caisse des Rentiers

Revenons sur l'histoire de la Caisse des Rentiers. Principales étapes:

  • 1791: Caisse Blanchard & Doré - société constituée chez le notaire Gabiou.
  • An III (1794-1795): Mi-Tontine Dizainaire - deux administrateurs: (Arnould et Gabiou); directeur: Tiron (ex haut fonctionnaire); secrétaire général: Arnould jeune. Administration: rue Neuve des Petits Champs (cf. Bouchary, pp. 91-92)
  • An V, 9 germinal (29 mars 1797); Loi "qui ordonne la vente des bâtimens nationaux, payables en inscriptions sur le Grand-livre de la dette publique personnelle."
  • An V, germinal (mars-avril 1797): fondation de la Caisse des rentiers. Publication le 15 germinal du Prospectus de présentation du projet de la Caisse des Rentiers. Probablement ils utilisent les fonds de la Mi-Tontine (Bouchary - sans source). Bureaux: rue des Moulins n. 18 et 495 (près des bureaux de rue Neuve des Petits Champs - Bouchary).
Liens directs avec la nouvelle loi d'une semaine avant; cette loi permet notamment de transformer des inscriptions (dettes de l’Etat) en acquisitions des Biens Nationaux ; il y a toutefois de problème pour accéder à cette possibilité: a. le rentier peut avoir des inscriptions correspondantes à un capital important mais pas assez de numéraire (argent contant) pour payer les droits d’enregistrement, frais adjudication, etc.; b. le rentier peut avoir des inscriptions modestes par rapport aux valeurs des biens nationaux à acquérir. La Caisse des Rentiers permet: a. à certains le remboursement de leurs inscriptions à 50% (alors qu’à la bourse elles sont payées le 8,5%) - accès par tirage au sort (la pratique du tirage au sort était tout à fait courant, déjà sous l’ancien régime) -- l’argent est repéré en vendant la moitié des actions à la bourse ; b. aux autres la conversion (de la moitié qui n’a pas été vendue à la bourse) en immeubles, avec un retour en capital après 10 ans et entretemps une rente chaque 6 mois dérivé des loyers etc. Un dixième du capital converti en argent est gardé pour l’administration, frais d’enregistrements etc. Après dix ans les immeubles sont vendus ; la paix et la reprise économique vont garantir la hausse de prix des immeubles et on prévoit une augmentation du 100% des prix - tous les actionnaires ou les héritiers (il ne s’agit pas d’une tontine) en bénéficieront.
  • An VI 9 vendémiaire (30 septembre 1797): annulation de facto par loi des deux tiers de la dette.
Il semblerait, en comparant les deux prospectus publiés par la Caisse (le 15 germinal an V, et le 9 pluviôse An VI) qu'il y a un changement dans les règles de fonctionnement de la Caisse ou au moins des manières de publiciser les investissements dans la Caisse (il est maintenant question de ne pas perdre les deux tiers non consolidés).
  • An VI, 11 vendémiaire (2 octobre 1797): acquisition du couvent des Filles-Dieu; travaux pour la percée de rue des Rentiers (du nom de la Société - aujourd'hui rue du Caire) et la construction du Passage de la "Foire du Caire" (architecte: Prétrelle), qui est inauguré déjà un an plus tard.
  • An VI, 9 et 11 pluviôse (28 et 30 janvier 1798) - rachat par des hommes de paille de l'ensemble des biens mis en vente de l'enclos de Saint-Jean-de-Latran (la liste des acquéreurs donne les nom de Jean Etienne, Jean Baptiste Louis Joseph, Antoine Gabriel, Jean Baptiste)
  • An VI, 29 pluviôse (17 février 1798) - "Clôture des mises" pour adhérer à la Caisse des Rentiers (clôture qui avait déjà été reportée)
  • 1798, projet par Gabiou d'une "Caisse des propriétaires" - cf. Projet de caisse des propriétaires, par le citoyen Gabiou, impr. Porthmann, An VII, notice BnF FRBNF30472279
  • Traces de plaintes contre la gestion de la caisse et supposé vente/achat des administrateurs ou de leurs amis - pas de condamnations.
  • D'après son statut, la caisse doit cesser ses activités après dix ans, voire fin 1807. Bouchary n'a pas trouvé de traces de liquidation. Nous avons retrouvé les traces pour ce qui concerne la vente de l'Enclos en vue de la liquidation finale.
  • An X, 22 fructidor (9 septembre 1802) et An XIII, 29 prairial (18 juin 1805) : jugement du tribunal de première instance de la Seine « contre » la Caisse des Rentiers
  • 1806, 26 juillet - vente (ou liquidation ?) des lots de Saint-Jean-de-Latran propriété de la Caisse des Rentiers suite jugement de l’audience des criées du tribunal I instance Seine -- adjudicataires : Desferrieres et Fidiere - en réalité uniquement Desferrieres (Fidieres reconnaît d’être un prête-nom) -- prix 60500 fr
  • 1807, 3 juin: les modalités de remboursement des actions sont décidées par le "Conseil de liquidation": "les porteurs d'action sont prévenus qu'il s'ouvrira une restitution en à-compte, sur les actions de la société, le lundi 27 juillet 1807, qui continuera les lundis & jeudis, depuis 10h du matin jusqu'à 1h, dans les bureaux de l'administration, chez M. Roux, directeur cassier, rue Neuve-S.Eustache n.41, en raison de 2000 actions par jour depaiement" (d'autres détails, cf. Journal de Paris, Mercredi 24 juin 1807)
Cf. aussi Journal de Paris, 1er février 1808: "Caisse des Rentiers - Répartition en deux à-comptes sur le remboursement des Actions, les lundi & jeudis de chaque semaine, à compter du jeudi 3 mars 1808 [...] dans les Bureaux de l'Administration, chez M. Roux, Propriétaire & Administrateur du Bureau de Correspondance générale & Directeur Caissier de la dite Société, rue Neuve Saint-Eustache, n° 45" plus détails techniques) [--> piste à suivre: Bureau de Correspondance Générale].
Cf. aussi Almanach du commerce (de La Tynna), 1809, dans la liste des "receveurs de rentes et bureaux de correspondance - Paris": "Roux, rue Neuve-Saint-Eustache, 45. Les bureaux de la Caisse des Rentiers, qui a fait sa liquidation, sont chez lui" (p. 264). Ces traces de la liquidation sont à confronter avec les lettres de protestation (cf. source à regarder) d'après lesquelles le remboursement des actionnaires n'a pas eu lieu des années plus tard.

Sources à regarder sur la Caisse

AF IV 1070 et AF IV 938 - Secrétairerie d’État Impériale et Cabinet de Napoléon 1er

Le fonds dit de la Secrétairerie d'État impériale, connu à l'origine sous le nom d'Archives du Louvre, est en fait constitué par les archives du pouvoir exécutif de 1789 à 1815. Sous le Consulat, on réunit dans les entresols de la grande galerie du Louvre les papiers provenant du régime royal constitutionnel (aujourd’hui sous-série AF/I), du Conseil exécutif provisoire, de quelques comités de la Convention, celui de salut public en particulier, remis aux archives du Directoire après la fin de la période conventionnelle comme archives de gouvernement (aujourd'hui sous-série AF/II), et du Directoire exécutif (aujourd’hui sous-série AF/III), auquel on ajouta alors des dossiers et registres du Conseil des Cinq-Cents versés par le Tribunat comme représentant des affaires en instance. Cet ensemble, augmenté des archives des Consuls, du cabinet de l'Empereur et du régime royal des années 1814 et 1815 (aujourd'hui AF/IV et AF/V), fut versé aux Archives nationales en 1849.

Voir l'étude de G. Thuillier 1995