1791 Etat état du bord de la rivière de Seine depuis l'égout de la rue de Bièvre jusqu’au Petit Pont de l'Hôtel Dieu

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APP AA-200 180

22 octobre 1791

Rapport n°301,

Sur l’état du bord de la rivière de Seine depuis l'égout de la rue de Bièvre, jusqu’au Petit Pont de l'Hôtel Dieu

Sur la réquisition de M. Turquet commissaire de Police de la section de Sainte Geneviève, nous nous sommes transportés sur le bord de la rivière à l’effet d’examiner si les égouts qui se versent dans la Rivière depuis la rue Bièvre jusqu’au petit Pont de l’hôtel-Dieu et si la vase provenante de ces égouts et qui séjourne sur le bord de la rivière, dans l’espace déterminé ci-dessus, n’étaient pas capables de corrompre l’eau et de nuire aux habitants de Paris, qui en boivent.

Ayant parcouru le bord de la rivière depuis la rue de Bièvre jusqu’au petit Pont de l’Hotel Dieu, nous avons reconnu que quatre égouts se jettaient dans ce court intervalle, savoir celui de la rue de Bièvre, celui de la rue des grands degrés, celui de la rue des Rats et celui de le rue du Fouarre.

Nous avons reconnu en outre que l’Egout de la rue de Bièvre jettoit le moins de vase sur le bord de la rivière, que l’égout de la rue des Rats en laisse un peu davantage, mais que l’égout de la rue des Grands degrés en laisse infiniment davantage que les deux autres ensemble, que la vase de ce dernier égout s’avance de plusieurs toises dans la rivière, qu’elle s’étend aussi à plusieurs toises le long du bord de la rivière depuis l’égout des grands degrés jusqu’au petit Pont étoit d’une teinte noirâtre et salie par l’égout des grands degrés et celui de la rue des rats. L’eau nous a paru claire à peu de distance du bord vis-à-vis de l’égout de la rue de Bièvre. L’égout de la rue du Fouarre tombe au pied de la pile du Pont et ne peut pas contribuer à salir l’eau au-dessus.

Enfin nous avons reconnu que pendant les chaleurs de la fin aout il s’élevoit de la vase près des bateaux des blanchisseuses qui sont vis-à-vis de la rue des grands degrés, de grosses bulles d’air, qui en sortoient en grand nombre.

On nous demande si l’eau de cette portion de la Rivière est salubre et en peut pas nuire à la santé des habitants de Paris qui en boivent.

Il suffit de jetter un coup d’œil sur la nature des immondices qui sont entrainés dans cette portion de la rivière, le sang des tueries de la rue de la montagne Sainte Geneviève et autres rues adjacentes, plus les immondices de la Place Maubert et toutes les eaux d’une partie du Levant de la montagne, du nord et d’une partie du couchant. Cette surface est très étendue produit une masse de limon composé d’une grande quantité de substances différentes qui se corrompent et fermentent ensemble, lorsqu’elles sont déposées au fond de l’eau. Cette fermentation se fait plus promptement dans les chaleurs de l’été et lorsque les eaux sont basses. Le mouvement de la fermentation joint au cours de l’eau, répand le produit de cette fermentation dans la masse de l’eau à une plus ou moins grande distance, suivant que la fermentation est plus ou moins forte et l’on peut juger combien elle est grande à l’endroit de l’égout des grands degrés, puisque depuis ce bord de la Rivière jusqu’au mur du Jardin de l’Evêché, la masse entière de l’eau est salie d’une teinte noirâtre.

On ne peut pas douter que cette eau ne soit très insalubre et ne puisse produire des maladies qui dépendent de la putridité et qu’il est du devoir de l’officier de Police d’en instruire la municipalité pour qu’elle y apporte le plus prompt remède. Nous ne doutons pas qu’elle ne l’employe promptement, lorsqu’elle saura que c’est vis-à-vis de la rue des Grands Degrés que le plus Grand Nombre des Porteurs d’Eau vont puiser celle qu’ils distribuent à la plus grande partie des habitants de ce quartier.

Nous observerons de plus que les Blanchisseuses qui lavent dans l’eau vis-à-vis la rue des Grands Degrés ne peuvent pas livrer du linge aussi blanc, par conséquent aussi sain, que celles qui lavent au-dessus des égouts.

Nous pensons que le premier remède est le curage de la rivière depuis la rue de Bièvre jusqu’au petit Pont, qu’il convient de faire enlever au plutôt la … pour l’empêcher de se mêler avec l’eau ; et pour empêcher un pareil amas de vase le long de cette portion de la rivière, on pourrait former un égout qui regneroit ? le long de la rivière depuis la rue de Bièvre jusqu’au Petit Pont qui s’ouvriroit près de celui de la rue Dufouasse. Par ce moyen l’eau de cette portion de la rivière serait claire en tout tems, bonne à boire et à laver et les Porteurs d’eau la livreroient salubre et exempte de germes de maladies.

Il ne faut pas croire que puisant à l’endroit des derniers bateaux de Blanchisseuses, ils n’emportent pas avec eux des portions d’ordures provenant des lavages qui se font pendant qu’ils puisent.

On pourroit objecter que pour éviter la dépense d’un égout, on pourroit obliger les porteurs d’eau à puiser au dessus de la rue de Bière si l’on se contente d’une simple défense, les Porteurs d’Eau n’en tiendront compte et continueront d’aller au plus près, pour économiser leur peine et multiplier leurs voyages. Si l’on met des sentinelles, ces frais de gardes au bout de quelques années surpasseraient la dépense de l’égout proposé.

Nous croyons devoir faire remarquer que cette portion de la Rivière ne sert à aucun tirage ; qu’elle n’est fréquentée que par des gens de pied.

Nous avons reconnu aussi que la berge n’étoit pas très pratiquable pour les gens de pieds ; quelle est fort inclinée et que le haut de cette berge le long des murs des maisons de la rue des grands degrés est couvert d’immondices de toute espèce qui y sont apportées continuellement, lesquelles immondices amoncelées contribuent beaucoup à la rapidité de la pente de la berge ; que ces immondices répandent une odeur infecte dans cet endroit et en corrompant aussi l’air.

Nous pensons que la municipalité pourroit ordonner le deblayement de toutes ces ordures et rendre cette berge praticable, particulièrement pour les blanchisseuses.

Les blanchisseuses demandent que l’on place un réverbère près de la berge.

A Paris, ce 22 octobre 1791,

Descemet.