1854 J. A. L., Revue archéologique, "Notes sur les découvertes ..."
Note sur les découvertes faites dans les démolitions de la commanderie de Saint-Jean de Latran et de l’église de Saint-Benoît à Paris, pour le percement de la rue des Ecoles
I Commanderie de Saint-Jean de Latran
La commanderie de Saint-Jean de Latran qui existait place Cambrai, en face du Collège de France, avait été fondée en 1171 par les religieux hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem. Vers la fin du XVIe siècle, ces religieux prirent le surnom de Latran, très-probablement, ainsi que le fait remarquer M. Géraud dans son ouvrage intitulé : Paris sous Philippe le Bel, en mémoire du dix-neuvième concile de Latran, tenu en 1517, qui confirma et étendit leurs privilèges et prérogatives.
Le vaste enclos de Saint-Jean de Latran était rempli de maisons très-mal bâties et habitées principalement par des familles d'artisans. Dans les travaux de démolitions qu'on exécute en ce moment, on a trouvé plusieurs fragments de dalles tumulaires. Deux datent du commencement du XIIIe siècle et les autres ne remontent pas au-delà des XVe et XVIe siècles. De l’une de ces dalles on n'a retrouvé que les deux parties extrêmes ; une inscription latine fait le tour de la pierre ; au centre est une longue croix dont les trois branches inférieures sont terminées par une fleur de lis ; la branche supérieure allait jusqu'à la légende qui a disparu à la base de la dalle. Voici ce qui reste de l'inscription monostique en lettres onciales, qui est gravée en creux ainsi que la croix :
+ : WLLS : TEGITV : ISTIC : DE : G II ALLE : C. R. II....IVI LEGIS : NOC : IGI... :. II.... CIATVR : EI : ….. CV : CELI : II CIVIB9 : ISTE :
La seconde dalle que nous reproduisons sur la planche 240 ci-jointe, n° 2, représente un dignitaire de Saint-Jean vu de face et revêtu du manteau avec la croix de l’ordre. La figure, la croix et les armoiries placées de chaque côté de la tête du personnage étaient en marbre ou autres matières incrustées dans la pierre qui est vide à ces endroits. Il est présumable que le calice qu'il tenait entre les mains était en cuivre et incrusté dans la pierre. De chaque côté du personnage, se voit une architecture d'encadrement dans le style de l'époque, mais dont une partie seulement est bien conservée. Une inscription monostique en caractères gothiques se voit encore, mais incomplète, sur les deux côtés de la dalle. Voici ce qu'on en peut lire :
... eur general de l’hospital de ….. Jerusalem .... qui tre]passa ou ( ?) nn : iiii….
De tous les bâtiments qui composaient autrefois la commanderie de Saint-Jean de Latran, il reste l'église avec une fort jolie chapelle attenante, une vieille tour et un grand bâtiment voûté dont la
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Construction remonte au XIIIe siècle. On voit encore une tour carrée qui a été dégagée des constructions modernes qui ne laissaient apercevoir que la façade sur laquelle existe une plaque de marbre noir portant l'inscription : TOUR BICHAT. C'est dans cette tour que le savant physiologiste avait établi son laboratoire et où on prétend qu'il est mort le 22 juillet 1802. Ce monument dont nous donnons la coupe et le plan d'après les dessins que nous devons à l'obligeance de M. Vacquer, architecte, se compose de trois étages. Le
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rez-de-chaussée enterré jusqu'au niveau du tailloir des chapiteaux (a b), présente une salle divisée en deux travées qui se reproduisent aux étages supérieurs, et donnent à cette tour une forme rectangulaire allongée. La salle du premier étage a toute l'apparence d'un chapitre et a dû être la salle de conseil des chevaliers et non pas un logement de pèlerins comme l'ont pensé quelques historiens. Le rez-de-chaussée et le premier, d'un style architectural d’une exquise pureté sont de la fin du XIIe siècle et les étages supérieurs sont du commencement du XIIIe. Dans l'intérieur de cette tour et sous le dallage du premier étage, on a trouvé deux parchemins ; le plus intéressante st une reconnaissance d'un frère de la commanderie, appelé André, qui s'engage à rembourser une somme de 275 livres de Provins, tant en son nom qu'en celui de la communauté, aux prochaines foires de Provins. La pièce est datée du mois d'octobre 1240 et scellée de cire verte sur queue de parchemin. On a trouvé encore, et notamment sous les maisons de la rue Saint-Jean de Latran, des restes de constructions romaines de la belle époque de l'art.
II. Église de Saint-Benoît
Nous n'entreprendrons pas de décrire ici l'église de Saint-Benoît dont la Revue a déjà publié une description dans une de ses précédentes années (l) (NOTE : Revue archéologique, IVe année, p. 214, 276). Nous parlerons seulement des découvertes qu'on vient de faire dans la démolition de ce monument. Le portail a été d'abord soigneusement dégagé de la couche de plâtre qui dérobait aux regards ses précieuses sculptures et a été transporté au musée de Cluny. Dans les décombres on a trouvé divers fragments de sculptures parmi lesquels on remarque une statuette de la vierge encore peinte et dorée, mais dont la tête manque. Plusieurs fragments de pierres tumulaires et des inscriptions ont été également recueillies. Voici la description des plus importantes
(DESCRIPTION DES 8 INSCRIPTIONS)
Il y a une autre inscription indépendante de celle-ci qui est monostique et fait le tour de la pierre, mais nous n'avons pu la déchiffrer à cause de l'enduit de mortier qui couvre en partie les lettres. Telles sont les découvertes intéressantes faites sur ces deux points du quartier latin. Si la pioche des ouvriers met encore à découvert quelques fragments importants sous le rapport de l'art et de l'histoire, nous en ferons part à nos lecteurs dans nos prochains numéros. Nous ne terminerons pas cette note, sans faire savoir aux admirateurs de nos monuments nationaux tout le soin apporté par M. Charles, architecte de la ville, pour préserver ces monuments et les faire respecter par les entrepreneurs de démolitions, jusqu'au moment où ils ont été transportés au musée de Cluny. C'est à notre collaborateur, M. Vacquer, que nous sommes redevables des renseignements qui nous ont servis à rédiger cette note.
J. A. L.