« Enclos des Quinze-Vingts » : différence entre les versions
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Dans un strict respect de la chronologie, l'enclos des Quinze-Vingts ne devrait pas figurer dans ce wiki consacré aux [[Localisations parisiennes (1780-1810) Le projet |Localisations parisiennes de 1780 à 1810]]. Toutefois sa topographie ancienne, les révisions de son urbanisation (1745) et de sa voirie (1781), les maisons lui ayant appartenu dans les rues Saint-Honoré, Saint-Nicaise et Saint-Thomas du Louvre laissent de nombreuses traces encore visibles dans la période de la Révolution et de l'Empire, sans oublier le rôle caché mais bien réel de Philippe d'Orléans, figue omniprésente du quartier du Palais-Royal. | Dans un strict respect de la chronologie, l'enclos des Quinze-Vingts ne devrait pas figurer dans ce wiki consacré aux [[Localisations parisiennes (1780-1810) Le projet |Localisations parisiennes de 1780 à 1810]]. Toutefois sa topographie ancienne, les révisions de son urbanisation (1745) et de sa voirie (1781), les maisons lui ayant appartenu dans les rues Saint-Honoré, Saint-Nicaise et Saint-Thomas du Louvre laissent de nombreuses traces encore visibles dans la période de la Révolution et de l'Empire, sans oublier le rôle caché mais bien réel de Philippe d'Orléans, figue omniprésente du quartier du Palais-Royal. | ||
[[Fichier:Quinze-Vingts-NouvellesVoies-LouisXVI 1779.jpg|900px|thumb|centré|<center>'''Lotissement de l'enclos - Tracé des nouvelles rues - État d’achèvement en 1786'''</center>]] | |||
==Accès au périmètre de l'ancien enclos entre 1781 et 1854== | ==Accès au périmètre de l'ancien enclos entre 1781 et 1854== |
Version du 24 octobre 2020 à 07:47
Fondation et principes
L'institution des Quinze-Vingts est créée par Louis IX vers 1260 aux portes du Louvre, près de la deuxième porte Saint-Honoré dans le prolongement de la rue Saint-Honoré vers la Ville l’Évêque pour y héberger 300 (15 x 20) miséreux aveugles et non pas, comme le prétend une légende tenace, des chevaliers croisés dont les Sarrasins auraient brûlé ou crevé les yeux. Cet hospice, dont le supérieur de la Maison ecclésiastique du Roi, Grand aumônier de France, est le supérieur n'est pas un hôpital mais un lieu d'hébergement de ces pauvres, qui forment entre eux une congrégation et se nomment "frères" et soeurs. Certains vivent avec leur famille. L'hospice est dirigé par un "maître", nommé par le roi, assisté d'un "ministre", lui-même assisté de 6 jurés. La congrégation dispose de sa chapelle desservie par un chevecier et un vicaire, ainsi que de son propre cimetière. Elle doit redevance au chapitre de Saint-Germain-l'Auxerrois sur le territoire duquel elle se trouve(Le Grand, Les Quinze-Vingts,... p. 12-23).
Au XVIIIe siècle
Dans la première moitié du XVIIIe siècle la chapelle attire la haute société du quartier, y compris la duchesse d'Orléans qui s'y fait construire une tribune privée. Choeurs et musiciens de renom agrémentent les offices. Massillon y prêche un carême (Le Grand, op. cit. p. 32-33).
La congrégation bénéficie de nombreux privilèges, exemptions, rentes, fermages, dons en espèces et legs, en nature en immeubles. Elle attire ainsi des personnes parfaitement valides, artisans, commerçants auxquels elle loue des locaux tant dans l'enclos que dans des maisons proches dont certaines construites par elle à la fin du XVIIe par exemple à l'angle de la rue Saint-Nicaise et de la rue Saint-Honoré (Le Grand, op. cit. p. 42-43).
Malgré son important patrimoine à Paris et ailleurs en France, malgré des revenus élevés, la congrégation des Quinze-Vingts n'arrive plus à entretenir convenablement les lieux surpeuplés. En effet, la congrégation, dont les effectifs, par constitution, sont toujours limités à 300 aveugles, accueille de plus en plus de pauvres aveugles et leurs familles. Cette surpopulation rend l'enclos insalubre et finit par importuner le voisinage, tant sont permanents les désagréments et malversations des mendiants et estropiés qui parcourent le voisinage en quêtant ou en rapinant. En 1748, les administrateurs lancent une imposante campagne de démolition/rénovation/reconstruction qui conduit 25 ans plus tard la congrégation à disposer d'un ensemble immobilier locatif neuf permettant de loger près de 5 000 personnes. L'ensemble aurait coûté près de 5 millions de livres financés par une partie des bénéfices de la Loterie Saint-Sulpice (Vaughan, Notice historique..., p. 7).
La vente de l'enclos en 1779 : une opération immobilière douteuse
En août 1779, Louis-René de Rohan Guéméné, cardinal de Rohan, Grand Aumônier de France et donc supérieur des Quinze-Vingts depuis à peine deux ans, est instruit de la faillite de M. Poultier, trésorier des Loteries dont celle de Saint-Sulpice dans laquelle l'hospice à des parts, qui de ce fait ne peut plus verser la rente annuelle à l'Hospice des Quinze-Vingts. Il forme alors le projet de transférer l'institution rue de Charenton dans l'ancienne caserne des Mousquetaires Noirs, désaffectée en 1775 et mise en vente en 1777, jusque là sans succès (Le Grand, op. cit. p. 87, p. 90, n.) ce qui lui permettrait de vendre les terrains et constructions de l'enclos ainsi libéré.
Dès le 14 octobre 1779 chez Me Rouen, notaire, se monte une société ad hoc destinée exclusivement à l'achat des terrains et immeubles récemment achevés et à la promotion de l'ensemble de l'enclos (Le Grand, p. 87). Parmi les associés on cite Hector-Hyacinthe Seguin, trésorier de Mgr le Duc de Chartres, (Louis-Philippe d'Orléans, futur Philippe-Egalité), dont il est vraisemblablement le prête-nom [1] qui donne son nom à la société et Jean-Baptiste-François Bouillerot, intéressé dans les affaires du Roi [2]. Prieur, nommé ultérieurement gouverneur onéraire de l'Hospice [3] et homme-lige du cardinal de Rohan ne fait pas partie de la société au moins lors de sa constitution (Anonyme, L'Affaire, p. 6 ; Berty, Topographie, p. 70).
Le cardinal demande à Louis XVI et obtient de lui le 11 décembre 1779 des Lettres Patentes, enregistrées au Parlement le 30 décembre suivant [4], l'autorisant à vendre l'ensemble de l'enclos des Quinze-Vingts, terrains et bâtiments et à transférer l'institution rue de Charenton.
Le texte présente un montage financier assez complexe d'où il ressort que les terrains de l'enclos sont évalués à 6 millions de livres, dont 5 millions devront revenir au Trésor Royal qui attribuera en retour à la congrégation des Quinze-Vingts une rente annuelle. Une somme d'1 million de livres est réservée à l'achat de la caserne, finalement négociée à 470 000 livres, et à la reconstitution de réserves pour les besoins de l'Hospice. La société Seguin et Cie verse bien les 6 millions de livres prévues, personne ne semblant s'interroger sur l'origine de ces fonds. On découvre quelques années plus tard qu'ils ont été empruntés aux banquiers génois.
L'enclos est évacué dans le courant de 1780. Les nouvelles rues prévues dans les lettres patentes, décrites dans un plan approuvé par le Roi mais aujourd'hui disparu, sont ouvertes en février 1781 [5]. Elles permettent d'une part de faciliter l'accès aux immeubles de belle facture récemment construits dans l'enclos et d'autre part d'élever de nouveaux immeubles de rapport sur les autres parcelles débarrassées des vieilles maisons.
Alerté par plusieurs personnes, le Parlement de Paris trouve l'opération suffisamment douteuse pour, par trois fois, décembre 1783, mai 1784, fin 1785, présenter des remontrances au roi. Elles sont toutes écartées. On peut supposer qu'étaient indirectement visés par ces procédures le cardinal de Rohan et Philippe d'Orléans, dont les excès étaient notoires et l'endettement immense.
A la fin de 1786 Séguin et Cie, devant l'impossibilité de rembourser ses dettes aux banquiers Génois, fait appel au Roi. Celui-ci, par un arrêt du Conseil d'État du 8 février 1787, avance à la société 4 millions de livres pour payer les Génois. Cette somme est manifestement insuffisante. Poursuivie par ses créanciers la société est contrainte de vendre tous les immeubles :
« Avis important pour la vente de tous les terrains & bâtiments de l'ancien enclos des Quinze-Vingts, composant quatre-vingt-dix maisons », Journal de Paris, n°1, 2 janvier 1792.
L'assemblée Nationale par un décret du 6 janvier 1792 ordonne de saisir le produit de cette vente à concurrence des sommes avancées par le Roi à Séguin et Cie (B. Duvergier, Collection complète des Lois décrets… du Conseil d'État, t. 4, p. 41-42).
On connait l'implication, au moins financière, et les déboires du cardinal de Rohan dans l'affaire du collier de la reine. On connait moins les prémices et les suites de son initiative consistant à transférer les Quinze-Vingts hors du centre de la capitale et à vendre les terrains et immeubles de l'enclos à une société écran derrière laquelle se cache Louis-Philippe d'Orléans. Celui-ci, face à l'étendue de ses dettes, est aussi contraint de vendre en 1793 une grande partie de son patrimoine dont le Lycée du Palais-Royal et plusieurs maisons avoisinantes.
Topographie
Dans un strict respect de la chronologie, l'enclos des Quinze-Vingts ne devrait pas figurer dans ce wiki consacré aux Localisations parisiennes de 1780 à 1810. Toutefois sa topographie ancienne, les révisions de son urbanisation (1745) et de sa voirie (1781), les maisons lui ayant appartenu dans les rues Saint-Honoré, Saint-Nicaise et Saint-Thomas du Louvre laissent de nombreuses traces encore visibles dans la période de la Révolution et de l'Empire, sans oublier le rôle caché mais bien réel de Philippe d'Orléans, figue omniprésente du quartier du Palais-Royal.
Accès au périmètre de l'ancien enclos entre 1781 et 1854
Entre la création des nouvelles voies décidée en 1779, réalisée en 1781 et la destruction de l'ilot Rohan-Saint-Honoré-Chartres pour le percement du 2ème tronçon de la rue de Rivoli en 1854 on peut sortir de et accéder à l'ancien enclos par quatre issues :
- Au Nord
- Par la rue de Rohan, entre le n°255 (Empire) et le n°253 (Empire) de la rue Saint-Honoré.
- Par la rue de Valois, entre le n°249 (Empire) et le n°247 (Empire) de la rue Saint-Honoré
- A l'Est
- Par la rue de Beaujolais entre le n°31 (Empire) et le n°33 (Empire) de la rue de Chartres.
- Au Sud
- Par la rue de Rohan entre le n°5 (Empire) et le n°7 (Empire) de la rue de Chartres.
Bibliographie
- Anonyme, L'affaire des Quinze-Vingts, Paris, Imprimerie Veuve Delaguette, 1789,Voir sur Gallica.
- Berty, Adolphe, Plan archéologique de Paris du XIIIe au XVIIe siècle, Paris, 1880, 2 Feuillets (BHVP, Fonds Parent de Rosan, cote 2-PLA-1120).
- Berty, Adolphe et Legrand, H.Topographie historique du Vieux Paris, Région du Louvre et des Tuileries, Paris, Imprimerie Nationale, 1866, t. 1, p. 66-70, p. 284-287 (Voir le t. 1, 2ème éd. sur Gallica.
- Lacroix, Sigismond, Actes de la Commune de Paris pendant la Révolution, Paris, Cerf, Noblet, 1893, 2ème série, t. III, p. 483-490.
- Le Grand, Léon, Les Quinze-Vingts depuis leur fondation jusqu'à leur translation au Faubourg Saint-Antoine (XIII-XVIIIe siècles), Paris, Société de l'Histoire de Paris, 1887, 368 p. Lire en ligne sur Gallica.
- Vaughan, Ernest, Notice historique sur les Quinze-Vingts, Melun, Imprimerie administrative, 1909, 22 p. (Lire en ligne sur Gallica).
Notes et références
- ↑ Hector-Hyacinthe Seguin est l'époux de Marie-Anne-Madeleine Chancerelle et le père d'Armand-François Seguin, né et baptisé le 22 mars 1767 à St Sulpice. A son décès sont cités ses amis commerçants et bourgeois du quartier de la rue de Valois-Saint-Honoré ainsi que René-Sylvain Contencin, marchand chapelier à Paris, paroisse St Eustache (AN, Y5182A, Registre des tutelles du 1er au 15 septembre 1789, f°621-624. Voir le document. On peut noter que Contencin est l'époux en secondes noces de Louise-Élisabeth-Lenoir de Sérigny, veuve de Louis-François-Dominique Le Bas de Courmont (1706-1777), payeur des rentes de l'Hôtel de Ville de Paris, fermier général. Hector-Hyacinthe Segouin, dit Seguin, ancien trésorier général de Mgr le duc d'Orléans, décède le 7 septembre 1789, rue de Montreuil (AN, Y24, Registre des scellés apposés par les commissaires au Châtelet, Tome RIB-SOS, f°248/312 Voir le document.
- ↑ Parmi les autres associés on trouve P.A. Monsigny, maître d'hôtel ordinaire du duc d'Orléans, C.M. Ravault, Sr de Kerboux, receveur général des domaines du duc d'Orléans, G. Kornmann, banquier à Paris, et 6 autres associés. (AN, Minutier central, LXXI, 21, cité par J de la Monneraye, Terrier de la censive de l'archevêché de Paris, t. 2, p. 266).
- ↑ Cette fonction lui donne en réalité tous les pouvoirs sous l'autorité directe du cardinal de Rohan.
- ↑ Ces Lettres Patentes sont suffisamment importantes et exceptionnelles pour être publiées in extenso dans le Journal de Paris (n°9, 9 janvier 1780, p. 35-36 Lire en ligne sur Gallica.
- ↑ Les rues de Beaujolais, de Chartres-Saint-Honoré, de Monpensier, des Quinze-Vingts, de Rohan, de Valois-Saint-Honoré