Enclos des Quinze-Vingts

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Fondation et principes

L'institution des Quinze-Vingts est créée par Louis IX vers 1260 aux portes du Louvre, près de la deuxième porte Saint-Honoré dans le prolongement de la rue Saint-Honoré vers la Ville l’Évêque pour y héberger 300 (15 x 20) miséreux aveugles et non pas, comme le prétend une légende tenace, des chevaliers croisés dont les Sarrasins auraient brûlé ou crevé les yeux. Cet hospice, dont le supérieur de la Maison ecclésiastique du Roi, Grand aumônier de France, est le supérieur n'est pas un hôpital mais un lieu d'hébergement de ces pauvres, qui forment entre eux une congrégation et se nomment "frères" et soeurs. Certains vivent avec leur famille. L'hospice est dirigé par un "maître", nommé par le roi, assisté d'un "ministre", lui-même assisté de 6 jurés. La congrégation dispose de sa chapelle desservie par un chevecier et un vicaire, ainsi que de son propre cimetière. Elle doit redevance au chapitre de Saint-Germain-l'Auxerrois sur le territoire duquel elle se trouve(Le Grand, Les Quinze-Vingts,... p. 12-23).

Au XVIIIe siècle

Dans la première moitié du XVIIIe siècle la chapelle attire la haute société du quartier, y compris la duchesse d'Orléans qui s'y fait construire une tribune privée. Choeurs et musiciens de renom agrémentent les offices. Massillon y prêche un carême (Le Grand, op. cit. p. 32-33).

La congrégation bénéficie de nombreux privilèges, exemptions, rentes, fermages, dons en espèces et legs, en nature en immeubles. Elle attire ainsi des personnes parfaitement valides, artisans, commerçants auxquels elle loue des locaux tant dans l'enclos que dans des maisons proches dont certaines construites par elle à la fin du XVIIe par exemple à l'angle de la rue Saint-Nicaise et de la rue Saint-Honoré (Le Grand, op. cit. p. 42-43).

Malgré son important patrimoine à Paris et ailleurs en France, malgré des revenus élevés la congrégation des Quinze-Vingts n'arrive plus à entretenir convenablement les lieux surpeuplés. En effet, la congrégation, dont les effectifs par constitution sont toujours limités à 300 aveugles, accueille de plus en plus de pauvres aveugles et leur famille. Cette surpopulation rend l'enclos insalubre et finit par importuner le voisinage, tant sont permanents les désagréments et malversations des mendiants et estropiés qui parcourent le voisinage en quêtant ou en rapinant. En 1748, les administrateurs lancent une imposante campagne de démolition/rénovation/reconstruction qui conduit 25 ans plus tard la congrégation à disposer d'un ensemble immobilier locatif neuf permettant de loger près de 5 000 personnes. L'ensemble aurait coûté près de 5 millions de livres financés par une partie des bénéfices de la Loterie Saint-Sulpice (Vaughan, Notice historique..., p. 7).

Une opération immobilière douteuse

En août 1779, Louis-René de Rohan Guéméné, cardinal de Rohan, Grand Aumônier de France et donc supérieur des Quinze-Vingts depuis à peine deux ans, instruit de la faillite de M. Poultier, gérant de la Loterie Saint-Sulpice, qui de ce fait ne peut plus verser la rente annuelle à l'Hospice des Quinze-Vingts, forme le projet de transférer l'institution rue de Charenton dans l'ancienne caserne des Mousquetaires Noirs, désaffectée en 1775 et mise en vente en 1777, jusque là sans succès (Le Grand, op. cit. p. 87, p. 90, n.) et de vendre les terrains et constructions de l'enclos ainsi libéré.

Dès le 14 octobre 1779, se monte une société ad hoc destinée exclusivement à l'achat des terrains et immeubles récemment achevés et à la promotion de l'ensemble de l'enclos (Le Grand, p. 87). Parmi les associés on cite Hector-Hyacinthe Seguin, trésorier de Mgr le Duc de Chartres (Anonyme, L'Affaire, p. 5) [1] qui donne son nom à la société, Fr. Bouillerot (Berty, Topographie, p. 70), Prieur, nommé ultérieurement, gouverneur onéraire de l'Hospice, et, semble t'il, prête nom du cardinal de Rohan (Anonyme, L'Affaire, p. 6).

demande à Louis XVI et obtient de lui des Lettres Patentes [2] pour vendre l'ensemble de l'enclos des Quinze-Vingts, terrains et bâtiments et transférer l'institution rue de Charenton,

Sa requête est motivée par les incommodités de l'enclos rappelées ci-dessus, le coût de l'entretien des immeubles, la baisse de rendement des placements et l'immobilisation peu fructueuse d'un capital aussi important que celui représenté par des terrains mal exploités en plein cœur de Paris, sans omettre l'absence d'intérêt des investisseurs pour la caserne des ci-devant mousquetaires.

Le Conseil du Roi élabore un montage financier assez complexe d'où il ressort que les terrains de l'enclos sont évalués à 6 millions de livres, dont 5 millions devront revenir au Trésor Royal qui attribuera en retour à la congrégation des Quinze-Vingts une rente annuelle de

On connait l'implication, au moins financière, et les déboires du cardinal de Rohan dans l'affaire du collier de la reine. On connait moins les prémices et les suites de son initiative consistant à transférer les Quinze-Vingts hors du centre de la capitale et à vendre les terrains et immeubles de l'enclos à une société écran derrière laquelle se cache Louis-Philippe d'Orléans. Les enjeux financiers sont considérables puisque l'enclos est estimé à 6 millions de livres.

Bibliographie

  • Anonyme, L'affaire des Quinze-Vingts, Paris, Imprimerie Veuve Delaguette, 1789,Voir sur Gallica.
  • Berty, Adolphe et Legrand, H.Topographie historique du Vieux Paris, Région du Louvre et des Tuileries, Paris, Imprimerie Nationale, 1866, t. 1, p. 66-70, p. 284-287 (Voir le t. 1, 2ème éd. sur Gallica,
  • Le Grand, Léon, Les Quinze-Vingts depuis leur fondation jusqu'à leur translation au Faubourg Saint-Antoine (XIII-XVIIIe siècles), Paris, Société de l'Histoire de Paris, 1887, 368 p. Lire en ligne sur Gallica.
  • Vaughan, Ernest, Notice historique sur les Quinze-Vingts, Melun, Imprimerie administrative, 1909, 22 p. (Lire en ligne sur Gallica).

Notes et références

  1. Hector-Hyacinthe Seguin est l'époux de Marie-Anne-Madeleine Chancerelle et le père d'Armand-François Seguin, né et baptisé le 22 mars 1767 à St Sulpice. A son décès sont cités ses amis commerçants et bourgeois du quartier de la rue de Valois-Saint-Honoré ainsi que René-Sylvain Contencin, marchand chapelier à Paris, paroisse St Eustache (AN, Y5182A, Registre des tutelles du 1er au 15 septembre 1789, f°621-624. Voir le document. Hector-Hyacinthe Segouin, dit Seguin, ancien trésorier général de Mgr le duc d'Orléans, décède le 7 septembre 1789, rue de Montreuil (AN, Y24, Registre des scellés apposés par les commissaires au Châtelet, Tome RIB-SOS, f°248/312 Voir le document.
  2. Ces Lettres Patentes sont suffisamment importantes et exceptionnelles pour être publiées in extenso dans le Journal de Paris (n°9, 9 janvier 1780, p. 35-36 Lire en ligne sur Gallica.