1854 Anonyme, "Enclos Saint-Jean de Latran"

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Anonyme, 1854, "Enclos Saint-Jean de Latran", in Auguste Jeandel, Tableau de Paris, de ses moeurs, coutumes, rues, édifices, monuments. Journal mensuel, 1ère année, 12 ème livraison, décembre 1854, pp. 183-188

p. 183 ENCLOS SAINT-JEAN DE LATRAN

La tour Bichat est tombée, malgré le souvenir des Templiers et des chevaliers de Malte, ces valeureux champions des croisades, sans respect pour la mémoire du grand physiologiste dont elle portait le nom, et à qui il fallait, disait le consul Napoléon, élever un monument (1) (NOTE : Bichat faisait son cours au premier étage de la tour et a demeuré au second étage. Mais c'est à tort que plusieurs journaux ont avancé que Bichat y était mort. Nos recherches à la mairie du 12e nous prouvent que Bichat n'est pas mort sur cet arrondissement.). Le monument existait, et on pouvait le conserver, en le reliant à l'église, que sa destination d'école primaire a sauvée (2) (NOTE : Cette école communale d'enseignement mutuel est la première qui a été fondée à Paris, en 1815, dans l'ancienne église de Saint-Jean de Beauvais, puis transférée à Saint-Jean de Latran vers 1833) ; des bains publics auraient été ouverts dans les constructions nouvelles; le tout entouré de plantations d'arbres; on aurait ainsi répondu à un besoin urgent du quartier, en conservant une des plus anciennes constructions de nos pères. Les peuples, comme les individus, sont heureux de remonter souvent au passé, d'avoir devant les yeux les édifices où ont vécu les ancêtres, et rien n'est si triste qu'une ville sans souvenir. L'admiration se porte sur les magnifiques monuments modernes, mais l'intérêt s'attache aux anciens qui sont une page de notre histoire.

Après le savant article qui précède le nôtre, que le lecteur nous permette, à nous dont le mérite consiste à raconter, fidèlement ce que nous avons vu et entendu, de tracer la physionomie de l'enclos depuis quarante ans, et de lui rapporter les traditions qui s'y sont conservées. On a déjà trouvé autrefois bien de l'or et de richesses dans les bottes d'anciens chevaliers, nous a dit la mère Meunier, brave femme qui a exercé pendant quarante ans l'état de chiffonnière dans l'enclos, et se trouve aujourd'hui portière dans une des rues voisines, et l'on trouvera bien des choses encore lorsque on arrivera aux caveaux, et surtout aux tombeaux des chevaliers.

Toutefois, la mère Meunier n'a pu nous citer une seule des personnes que des trouvailles de ce genre auraient enrichies; mais elle a été plus explicite sur les cachots de la commanderie. Elle a vu des caveaux, espèces d'inpace (p°184) formés en entonnoir, et dans lesquels un homme avait peine à se tenir debout ; et un vieillard lui a parlé à différentes fois de la connaissance parfaite qu'il avait des cachots souterrains, parce qu'il y était venu très souvent seul, quelquefois avec sa mère, visiter son père qui était retenu prisonnier dans les cachots de.la commanderie. Les cachots décrits par la mère Meunier sont conformes à ceux en usage dans la vie monacale, et quant aux prisonniers, nous savons que la commanderie avait le droit de haute et basse justice, et les papiers trouvés récemment sont peut-être les jugements de ce tribunal, qui prenait pour archives les vides formés par les ogives de la salle du jugement, qui devait se trouver dans l'un des étages de la cour.

M. Troche nous a dit que l'ouvrier de l'enclos y était indépendant des chefs de maîtrises, et que le failli et le débiteur y trouvaient un asile: de là on peut juger quel monde y pouvait habiter, et on sera moins étonné de ce dicton populaire : « Les vingt-cinq cordonniers de Saint-Jean de Latran n'ont qu'une culotte. » D'après ces privilèges exorbitants des habitants de l'enclos, on peut juger que la commanderie tirait un très grand produit de ses locations, et qu'elle augmentait ainsi beaucoup les revenus de terres et biens estimés par les auteurs 12,000 livres (1) (NOTE : « Plusieurs rentes, censives, fermes et domaines rapportent au commandeur 12,000 livres de rente, toutes charges payées. » Piganiol).

Ces endroits privilégiés, en dehors de l'abus, ont été très-utiles ; ils permettaient à l'ouvrier intelligent de donner tout l'essor à son imagination, sans avoir perdu ses années dans un long apprentissage et sans avoir produit son chef-d’œuvre qui, le plus souvent, n'était qu'un chef-d’œuvre de routine. Cet enclos du travail avant la Révolution, est resté tel depuis, et c'est à tort que l'on a voulu le représenter comme une cour des Miracles.

Il s'y passait des choses plus admirables qu'un aveugle recouvrant la vue dès que le jour baisse, qu'un lépreux couvert de plaies hideuses, retrouvant la santé chaque soir, et que des manchots et culs-de-jatte dansant et folâtrant la nuit. On y a vu nombre d'hommes qui, par le rude chemin des privations, des souffrances, d'un travail incessant et de la patience surtout, sont partis de la dernière misère et arrivés à la fortune, et si cette cour mérite un nom, c'est celui de cour du Travail.

Avant de parler des personnes, disons quelques mots de la division des bâtiments. Il y avait deux entrées principales, l'une par la porte cochère en face le collège de France, et l'autre par une grille rue Saint-Jean de Beauvais; cette dernière existe toujours. La rue Noire avait aussi une sortie rue Saint-Jean de Beauvais.

L'enclos contenait la cour Bichat ou cour de la Tour, la cour de la Vacherie, la cour du Saint-Esprit, la rue Noire, et, en face, la cour de Bicêtre. Lors de l'expropriation, il appartenait à trois propriétaires : M. Delfieux avait 42 locataires, qui lui payaient 9,000 fr. ; il a reçu comme indemnité 125,000 fr. M. Pélerin avait 90 locataires ; sa propriété lui rapportait 17,700 fr. ; son indemnité s'est montée à 245,000 fr. ; M. Buisson, propriétaire de la rue Noire, avait à peu près 40 locataires, et la ville lui a donné pour indemnité 120,000 fr.

Voici à peu près dans l'enclos 170 à 180 locataires ; mais locataire signifie une personne occupant un local ; c'est un ménage composé de 2 ou 3 individus, ou une chambrée occupée par 10, 15 et même 20 individus ; de sorte que l'on peut porter le nombre des habitants de l'enclos à près de 1,200.

L'endroit le plus peuplé était la rue Noire, ainsi nommée parce qu'elle était noire, mais noire comme l'intérieur d'une cheminée. C'était, en effet, un passage tout grouillant de ramoneurs ; le pavé, les murs, l'escalier, les chambres, les lits, les draps, tout y était (p°185) noir, et ne différait que par ses nuances. Dans le principal escalier, appelé à juste titre l'escalier noir, il y avait certains endroits sans portes, sans fermetures, que l'on pouvait prendre pour des paliers où s'entassaient les ordures: c'étaient les inodores de l'endroit, qui s'étendaient d'ailleurs sans discontinuité depuis les paliers jusqu'aux dernières marches. Nous avons prononcé le mot inodore, et c'est avec dessein. L'odorat n'était point frappé de cette odeur particulière dont on se trouve affecté même dans certains inodores ; c'était quelque chose d'indicible qui ne laissait plus aux sens leur action ; c'était une asphyxie qui s'adressait aux sources mêmes de la vie et oppressait les poumons. Ces habitations renfermaient bien d'autres causes de miasmes pestilentiels. C'étaient les objets de commerce de chacun de nos Auvergnats. L'un commençait à s'adonner à l'industrie des chiffons, l'autre du vieux papier, celui-ci des os, un dernier des peaux de lapins, et le magasin se trouvait sous le lit. On peut se figurer quelle odeur devait émaner d'une chambre contenant dix individus avec leurs marchandises ; et dans les derniers temps, le génie industriel progressant avec la cherté des loyers, nos Auvergnats posaient leur lit sur des pieux élevés, ou le suspendaient comme un hamac, de manière à ménager dessous un véritable magasin avec tous ses compartiments.

Nous avons dit que la rue Noire était toujours peuplée; cependant, au commencement de l'été, époque où les oiseaux vont chercher leur ancien nid, les fils de l'Auvergne retournent au pays, et quelques places pouvaient être vacantes; mais à l'approche de l'hiver, ils reviennent par bandes nombreuses ; il s'en présentait trois cents au rendez-vous général de la rue Noire! tout paraissait comble ; mais il y a bien toujours un peu de place pour trois cents Auvergnats. Aussi, du haut en bas, du magasin de chiffons aux dernières mansardes, sous la dernière tuile, il n'y avait pas un trou d'un mètre de long, quelque bas et étroit qu'il fût, qui ne renfermât un être vivant…, je voulais dire un être humain. Il faut observer ici que tout en se pressant le plus les uns contre les autres pour ne pas perdre de place, les Auvergnats ne parvenaient pas à éloigner certains voisins petits insectes qui prospéraient et multipliaient en grand nombre. On a dit souvent que les petits Auvergnats couchaient tout habillés et gardaient ainsi leurs vêtements six à sept mois ; s'il en était ainsi, ils seraient rongés de poux. Ils couchent, au contraire, tout nus à trois ou quatre dans un lit.

Lors de l'expropriation, le propriétaire de la rue Noire fut averti d'une descente du jury sur sa propriété. Un peu de honte peut-être, mais pour sûr un désir de gain, lui fit songer à faire un nettoyage : cinquante gamins d'Auvergne furent armés de pelles et de balais avec mission d'enlever les ordures. On en chargea six voitures.

On comprend que le logement ne devait pas être cher dans cette rue Noire ; on y pouvait loger la nuit moyennant 6, 4, et même 2 sous ; mais on y logeait à bien meilleur marché, et que notre lecteur nous permette de lui retracer l'existence d'un habitant de l'enclos pendant trente-huit ans.

En 1816, un enfant de l'Auvergne, âgé de quatorze ans, Gilbert en sabots, une chemise, sa veste et son pantalon de gros drap, arrive à la rue Noire. Il prit un loyer de 3 fr. par an. Quelques curieux voudront peut-être savoir comment est un loyer de 3 francs? Gilbert fut admis dans une chambre à cinq lits, on couchait trois ensemble, et ainsi quinze coucheurs contribuaient à payer la somme de 45 fr., prix de la location annuelle de la chambre. Tel est le procédé employé pour n'avoir qu'un loyer de 3 fr. Aujourd'hui, avec l'augmentation des loyers, cette combinaison laisse à la charge de chaque locataire un prorata dont le minimum est de 6 à 8 fr. par an. (p. 186) « Et vos quatorze compagnons de chambrée, comment ont-ils tourné? avons-nous demandé à M. Gilbert - Tous ont réussi et sont à peu près riches, - a répondu le brave homme, que l'on dit millionnaire, mais qui ne doit pas être loin de la moitié ; et toute sa fortune a été acquise dans la sale rue Noire du clos Saint-Jean.

Suivons-le dans sa marche progressive.

Comme ses compatriotes, que l'on appelle à tort des Savoyards, notre Auvergnat vécut d'abord du ramonage, et vers le mois de mai, il quittait Paris pour aller porter à ses parents les 100 à 150 fr., produit-de son travail et de ses économies. Il revenait au mois d'octobre, retrouvait sa place dans sa chambre, et gagnait son pain en parcourant la capitale avec son cri : haut en bas ! Avec l'âge vinrent et la corpulence et la force, notre Auvergnat servit les maçons. Du produit de ses économies, il put tenter le commerce, dans le magasin sous-litier d'abord; et en 1826 il prit un magasin : c'était une boutique, toujours dans la rue Noire, qu'il payait 80 fr. par an, et dans laquelle il couchait. Il se fit marchand de peaux de lapins. Il parcourait toujours la-capitale, mais son cri était changé...: peaux… lapin ! Le commerce prospérait ; M. Gilbert travaillait les peaux et les vendait tout apprêtées; puis il se maria avec une femme de la partie: une femme qui sait conduire sa maison, vivre avec économie, vaut mieux qu'une riche héritière, et notre Auvergnate fit l'heureuse expérience. La mort vint lui enlever sa femme ; il changea alors d'industrie ; il avait assez-devances pour payer aux chiffonniers le contenu de leur hotte ; il se fit maître chiffonnier, toujours dans l'enclos. L'endroit était parfaitement placé, puisqu'après avoir chiffonné dans le bas du quartier latin et dans tout le quartier Saint-Germain, il fallait que le chiffonnier passât devant pour aller chez les maîtres chiffonniers du mont Saint-Hilaire ou du quartier Mouffetard. M. Gilbert vit prospérer" son établissement. Il ne s'en tint pas à ses 80 fr. de loyer; il l'augmentait chaque année de 10, 20 ou 40 fr., selon qu'il ajoutait un caveau, un cabinet ou une chambre. En 1837, il avait 310 fr. de loyer; en 1843, il en payait 2,000 fr., et plus tard, il offrait en outre, 600 fr. du bas de l'église, dont le premier est occupé par l'école mutuelle. Quand la démolition est venue chasser notre homme de l'enclos dans lequel il demeurait depuis trente-huit ans, les chiffons, les papiers, la ferraille, ont été emballés et portés au haut de la colline, dans un nouvel emplacement où se montent magasins sur magasins, à tel point qu'on croirait voir un entrepôt et là, avec les frais d'aménagement, notre chiffonnier a plus de 4,000 fr.de loyer. Seize personnes aujourd'hui 'sont occupées dans ce commerce, qui a été commencé par lui seul.

Dans son nouveau local, rue Contrescarpe Saint-Marcel, près d'une maison neuve qui a pris le nom de l'ancienne enseigne : « Maison de la pomme de pin », M. Gilbert doit se trouver heureux comme un roi. A l'endroit le plus aéré de Paris, il a de vastes hangars éclairés en haut par des vitraux, et ses marchandises sont à l’air en trouvant garanties contre l'injure du temps. Si vous voulez voir l'attirail d'un chiffonnier en gros sans vous soumettre à l'odeur nauséabonde qui en est l'accompagnement ordinaire, allez chez M. Gilbert; vous verrez un petit homme toujours travaillant avec une serpillière (un peu de luxe est permis quand on est riche), âgé de cinquante-quatre ans il est encore plein de vigueur, est doué d'une de ces bonnes figures qui font plaisir à voir ; sur son visage règne la bonhomie sous laquelle perce la finesse.

Bien d'autres fortunes se sont formées dans l'enclos de Saint-Jean de Latran : M. Roux, connu plutôt sous le nom de Joseph, y est venu, ayant moins de dix ans, cinq-ou (p. 187) six ans avant M. Gilbert ; il fut son compagnon de lit ; avec lui il ramona, et avec lui il servit les maçons. Ils se firent marchands de peaux de lapins à la même époque ; seulement Joseph resta dans cette spécialité ; il a toujours acheté les peaux de lapins qu'il revend aux chapeliers pour faire des chapeaux de feutre, des peaux de chèvre avec lesquelles on confectionne des manteaux, des peaux de chien dont on fait la fourrure des collets de manteaux et les casquettes pour l'exportation, et les peaux de chat, qui sont plus estimées quand elles sont d'une seule nuance, parce qu'elles se prêtent mieux à la teinture, et dont on confectionne alors les petits-gris, les martres et les fourrures qui servent aux manchons et aux ornements de nos dames : les chats totalement noirs sont ceux dont la peau a le plus de valeur.

Joseph n'a pas la fortune de M. Gilbert, nais il a acquis une belle aisance, et est propriétaire de la maison où il continue son commerce de toutes sortes de peaux.

Nous ne parlerons pas des autres fortunes faites dans cet enclos si rebutant à la vue : M. Rousselet, fabricant de selles; un arçonner qui occupait quarante ouvriers. Deux de la vacherie qui avait donné son nom à la cour de ce nom. Une vacherie dans Paris semble une énormité. Les vaches doivent en eu de temps y devenir phthisiques et poitrinaires, et leur lait, sans goût, doit bientôt être malsain. « Je suis des montagnes de la Suisse, nous a dit M. Chartière ; j'étais alors habitué au bon lait; depuis plus de trente ans, je prends du Lait de la vacherie de Saint-Jean de Latran, et c'est le meilleur lait que j'aie trouvé à Paris. » Par quel miracle est-on arrivé à faire vivre dix-huit vaches dans l'intérieur de Paris, à leur faire fournir du bon lait et à y gagner de l'argent? Le maître de la vacherie achetait les vaches maigres au moment où on leur retire leur veau; c'est alors qu'elles donnent le plus de lait ; de sorte qu'entretenues avec une nourriture abondante et substantielle, elles continuaient à donner beaucoup de lait; le défaut d'exercice faisait assez vite tourner ces animaux à l'obésité; le lait diminuait; c'était le moment de se défaire de ces vaches, et elles étaient vendues très-avantageusement aux bouchers du quartier: ce qui est un démenti formel à ceux qui prétendent que dans ce quartier on ne mange que des biftecks de cheval.

Nous avons prononcé le nom de M. Charrière ; tout le monde connaît cet habile artiste et ce savant mécanicien, qui a su porter l'art de la coutellerie chirurgicale à un point que n'ont pu atteindre les Anglais, qui travaillent si habilement l'acier. Nommé officier de la Légion-d'Honneur après l'exposition de Londres, M. Charrière habite aujourd'hui la rue de l'Ecole-de-Médecine, où il s'est fait construire d'immenses ateliers et de magnifiques magasins d'où partent, pour tous les pays ou s'exerce la chirurgie, ses instruments et ses appareils si précis.

Il est curieux en même temps que consolant pour la classe ouvrière, en admirant la position à laquelle est arrivé cet ancien ouvrier, de voir de quel point il est parti.

Le 1er décembre 1817, M. Charrière entra en apprentissage dans le clos Saint-Jean de Latran. Dès qu'il fut ouvrier, il plaça son atelier dans deux chambres qu'il louait 100 fr. Il acheta plus tard le fonds de son patron, toujours dans l'enclos, et il eut 200 fr. de loyer. Augmentant son atelier à mesure que son industrie grandissait, il arriva de 400, 500 fr. à 1,000 fr. de loyer ; il jouissait même d'un petit jardin dans le terrain qui se trouve au nord de l'église. C'est là où grandit la réputation de M. Charrière, et les premiers chirurgiens de l'époque traversaient les cours puantes pour arriver à son modeste local. En 1832, les travaux et le développement de ses affaires forcèrent le fabricant à chercher (p. 188) un autre emplacement, et il quitta le logement de l'enclos, où lui était né le fils qui tient aujourd'hui son établissement.

M. Charrière occupe aujourd'hui 140 ouvriers dans ses ateliers intérieurs et 400 au dehors, tant à Paris qu'en province. Malgré la misère qui règne en général dans l'enclos, on ne le voit point désigné dans les annales du crime, et il ne servit jamais de refuge aux voleurs ou aux classes dangereuses : on n'y signale point non plus de suicides. L'amour du gain et l'ambition y règnent, mais ils s'y manifestent sous des formes différentes de celles que l'on voit dans d'autres régions. En un jour on veut réaliser de grands bénéfices, on y tente la fortune par un coup de dé, et en un jour aussi on est riche ou on est arrivé au déshonneur que couronne souvent le suicide. Dans le clos Saint-Jean de Latran, c'est par la persévérance et les privations que l'on monte à la fortune : comme le chiffonnier Gilbert, on met quarante ans à arriver ; la route est longue, mais elle n'égare jamais ceux qui ont le courage de la suivre.